| Philippe Vasset Journal intime d'un marchand de canons Fayard 2009 / 15,90 € - 104.15 ffr. / 180 pages ISBN : 978-221364283-3 FORMAT : 13,5cm x 21,5cm Imprimer
Soulagement
Il y a des entreprises qui ne connaissent pas (trop) la crise : bizarrement, lhomme peut se passer de beaucoup de choses, y compris de la vie, mais pas de canons («dans lcanon, tout est bon !»). Les amateurs de belles mécaniques mortelles et autre tunning militaire, ceux qui shabillent treillis-rangers pour aller faire leur tiercé, tous les fans darmes à feu que le 2ème amendement de la constitution américaine fait rêver : larmement, quand il ne fonctionne pas, fait toujours son petit effet.
Cest dans ce secteur porteur quévolue le héros de Journal intime dun marchand de canons. VRP de larmement empêtré dans une sombre affaire (mais en ce domaine, quelles affaires ne sont pas un peu assombries ?), le héros de Philippe Vasset trie ses archives et revient sur une carrière riche. De lIrak de Saddam Hussein à lAfrique du sud ostracisée pour lapartheid, en passant par le Venezuela du riant Chavez et la Géorgie qui voulait ressembler à la Russie, X (faute de mieux) arpente aéroports, états-majors et ministères, son attaché case à la main et quelques présentations de missiles aux résultats mirifiques en tête. Sidentifiant aux James Bond et autre prince Malko, il fantasme sa vie et ses affaires, exsude du complot et de laventure, se morfond un peu entre deux contrats et suit le cursus honorum du marchand de canon. Écrit à bout de souffle, le témoignage vire à la confession, mais le bonhomme demeure athée : les vrais durs ne pleurent pas !
Rédacteur en chef de la lettre dinformation bien informée Intelligence online, Philippe Vasset est, par profession autant que par goût, un bon connaisseur de ce que lon pourrait appeler, faute de mieux, les arcanes du pouvoir et des relations internationales. Et plutôt que décrire un énième reportage sur les marchands darmes et autres trafiquants de mort, il a eu lexcellente idée den faire un roman, non pas à clefs (trop facile) mais plutôt vériste, avec de gros morceaux de réalité dedans, où la seule fiction est finalement celle du héros. Procédé surprenant, car on se promène dans ce roman comme dans les pages dun quotidien, sur les champs de batailles actuels (Irak, Géorgie
), futurs (le Venezuela ?) et passés (Afrique du sud, Iran
), où lon croise quelques sommités politiques et du monde des affaires. Les méthodes, les tractations et, plus largement, tout ce que le terme docculte peut dissimuler (y compris lennui) sont exposés sans fard par un VRP désabusé, prêt à chanter «jaurais voulu être un espion» et qui, faute de mieux, se réveille artiste.
Au hasard de ses pérégrinations commerciales, ce petit marquis de larmement nous invite à un tour du monde des points chauds de la planète, aux côtés de quelques fauteurs de guerre. Le style, très agréable, gentiment cynique et discrètement ironique de ce court roman, en fait lune des premières belles surprises de cette année 2009. Le lecteur en ressort mieux informé, mais pas forcément rassuré. Pour tous ceux qui ont apprécié le ton, vaguement provocateur, de Lord of War et qui pensent que la réalité est probablement plus délirante que la fiction, ce Journal intime simpose, avec ce ton de reportage un peu décalé, dun cynisme assumé.
Gilles Ferragu ( Mis en ligne le 14/01/2009 ) Imprimer
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