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Transatlantique
Leslie Kaplan   Mon Amérique commence en Pologne - Depuis maintenant, 6
P.O.L 2009 /  18 € - 117.9 ffr. / 224 pages
ISBN : 978-2-84682-261-9
FORMAT : 14cm x 20,5cm

L'auteur du compte rendu : Ancien élève de l’École Normale Supérieure Lettres et Sciences Humaines de Lyon, agrégé de Lettres Modernes, Fabien Gris est actuellement moniteur à l’Université de Saint Etienne. Il prépare une thèse, sous la direction de Jean-Bernard Vray, sur les modalités de présences du cinéma dans le roman français contemporain.
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Trois parties constituent le dernier livre de Leslie Kaplan. La première est un bref récit autobiographique, sur son enfance et son adolescence partagées entre les États-Unis, la France (pays dans lequel son père diplomate était en poste) et la Pologne «racontée» par sa grand-mère juive exilée outre-Atlantique. La seconde partie se présente comme une succession de très courts paragraphes, se limitant parfois à une phrase nominale, qui dépeignent par éclats narratifs ou descriptifs sa vie de jeune étudiante parisienne dans les effervescentes années 1960. La troisième, enfin, est un récit - semble-t-il fictionnel - à la première personne, où la narratrice devient le témoin de la dérive psychologique d’une jeune femme fragile, la fille de sa meilleure amie.

A travers ces trois parties successives, fort différentes stylistiquement, Leslie Kaplan interroge son rapport au temps et à l’espace : plongée dans le passé, plongée dans les lieux d’où l’on tire son origine et son identité : l’Amérique, la France, mais aussi cette Pologne inconnue qui constitue le fondement de sa famille, sans compter la culture yiddish portée par sa grand-mère, éternelle déracinée de la terre polonaise. Allers et retours : culture américaine, culture française ; nourriture américaine, nourriture française ; chansons anglaises, françaises, chants yiddish ; le jeu des langues, l’atmosphère polyglotte, l’insertion au cœur du texte français de mots anglais. Des échos se tissent entre les différents chapitres : dans le dernier, la jeune femme fragile qui est au centre du texte vit à Paris alors que ses parents habitent les États-Unis ; elle se prend d’affection pour une fille d’Europe de l’Est, de culture yiddish, qui fait les marchés. Les cultures se mélangent, s’opposent, entrent dans un jeu de miroirs ou s’entrechoquent.

A travers ce livre mi-autobiographique mi-fictionnel, Leslie Kaplan développe des thèmes qui ont jalonné son œuvre jusqu’alors. On pense par exemple aux Amants de Marie (2002) qui esquissait déjà cette réflexion sur le lien entre l’Amérique et l’Europe. On pense également beaucoup aux Années d’Annie Ernaux (2008), livre avec lequel Mon Amérique commence en Pologne possède une certaine affinité stylistique : la seconde partie est, comme le texte d’Ernaux, une sorte d’autobiographie kaléidoscopique, fonctionnant par éclats, fragments évocatoires, où le souvenir personnel rejoint le souvenir collectif : les films de Godard, qui jouent le rôle de minuscules mises en abîme de l’itinéraire de la narratrice, l’ébullition politique, la musique, l’amour libre ou non, les cafés de la rive gauche… Autant d’éléments qui appartiennent à toute une génération et qui mettent en branle la mémoire. Les références culturelles abondent, fonctionnant comme des «outils» (le titre d’un essai de Leslie Kaplan datant de 2003) qui aident à penser et à se souvenir. La narratrice évoque sans cesse des «images» qui lui apparaissent : par effet d’hypotypose, elles nous parviennent également, mobilisent notre conscience : les figures, les lieux, un certain air du temps se dessinent distinctement devant nos yeux.

Certes la partition en trois parties différentes conduit naturellement le lecteur à la comparaison. Si le premier texte revêt un aspect classique mais au demeurant émouvant, le troisième peut paraître parfois légèrement affecté : le dénuement syntaxique et stylistique, assez «durassien» dans son esprit, ne convainc pas toujours et peut lasser par son systématisme. Mais c’est sans aucun doute la seconde partie qui nous emporte le plus : le dénuement et la brièveté de l’écriture sont cette fois-ci porteurs d’une profondeur temporelle remarquable, ainsi que d’une puissance imageante et mémorielle peu commune. Quelques mots, deux ou trois expressions, et c’est un monde, une époque, qui renaissent pour le lecteur.


Fabien Gris
( Mis en ligne le 09/02/2009 )
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