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A tale full of sound and fury
Belinda Cannone   Entre les bruits
L'Olivier 2009 /  20 € - 131 ffr. / 268 pages
ISBN : 978-2-87929-672-2
FORMAT : 14cm x 20,5cm
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Entre les bruits est un roman d’une grande originalité, une fantaisie au sens fort du mot, qui d’emblée vient ancrer des personnages «extra-ordinaires» dans un contexte à la fois fantasque et truffé de détails qui nous renvoient aux réalités et à l’actualité du monde moderne.

Ainsi Jodel Paquinseul est-il sans doute le premier héros hyperacousique sorti de l’imagination d’un romancier. Son acuité auditive, bien au-dessus de la moyenne, fait de lui un être à part, à tous points de vue. Perpétuellement blessé par le vacarme du quotidien des mortels, il s’est bâti une vie à l’écart, dans son «bocal», sa «bulle» et prend toutes sortes de précautions pour échapper à ce qu’il perçoit comme un douloureux tapage. Mais ce dysfonctionnement sensitif n’est pas seulement un handicap ; il relève également du don, de l’attribut merveilleux, puisqu’il confère à Jodel une ouïe immensément plus fine que celle de ses semblables. De cette anomalie, le personnage a su faire un métier : ingénieur en physique des sons, il travaille pour la Police, au «laboratoire de traitement du signal», où il est chargé d’analyser et de décrypter des enregistrements sonores qui peuvent aider à résoudre des affaires criminelles. Ce qu’il y entend de la fureur du monde (kidnapping d’enfants, folie meurtrière d’un forcené, viol d’une jeune femme, attentat sanglant dans une grande gare…) explique aussi son choix d’une existence à l’écart de la société, «à la périphérie», comme il le dit lui-même.

Pourtant, en quelques jours, Paquinseul plonge brusquement dans le tohu-bohu de ce monde «inaudible, cacophonique» qu’il a jusque-là évité, quand trois personnes font irruption dans son univers protégé. Avec Jeanne, une fillette hyperacousique plus douée que lui encore quand il s’agit de percevoir l’inaudible, dotée en outre d’une mémoire fabuleuse, se tisse d’emblée une complicité étonnante. Amitié singulière que cette relation entre un homme mûr et une enfant, qui communient dans la même symbiose avec la nature. Par l’intermédiaire de ce personnage de la «petite guenon» (c’est son surnom), Belinda Cannone introduit des dialogues qui mêlent subtilement émotion et drôlerie. L’espiègle gamine présente par ailleurs son nouvel ami à sa mère, étrange compositeur de musiques merveilleusement envoûtantes, qui va réveiller les sens et les sentiments endormis du héros.

Enfin, Oulan, un mystérieux nomade mongol, dont le lecteur se demande si les intentions à l’égard de Jodel sont bienveillantes, débarque un jour dans sa paisible retraite puis lui fait découvrir ce lieu improbable de la «Zone de chute», une usine vide dans une zone industrielle à moitié abandonnée abritant tout un monde parallèle. On y croise le Notaire, qui dirige en quelque sorte cette Cour des Miracles moderne, ce «creuset du désordre général», mais aussi Ismaïl, un indonésien désireux d’établir un califat dans son pays d’origine, Lord Jim, qui a créé un site funéraire sur Internet, Qubilaï, un trader chinois, ou encore le Serbe Dragan Batic (derrière lequel on reconnaît Milan Martic, ex-«président» de la République serbe autoproclamée en Croatie et coupable de crimes contre l’humanité).

Comme la construction des personnages, cet ancrage de l’intrigue dans un lieu fictif, totalement imaginaire mais à la faveur duquel sont néanmoins recensés les grands drames de l’histoire mondiale récente (guerre des Balkans, mouvements fondamentalistes musulmans, terrorisme international, attaques de plate-forme pétrolière par des rebelles nigérians…) confère à ce récit la dimension d’un conte philosophique. Les détails réels, qu’ils soient empruntés à l’actualité économique, politique ou même scientifique (la reconnaissance vocale et les expertises audio), s’insèrent dans un univers fictif assez habilement bâti pour que le lecteur admette, par exemple, les «super-pouvoirs» des personnages (nos deux hyperacousiques sont ainsi capables de comprendre distinctement les murmures de chacun des convives dans un restaurant, de déceler la présence d’une souris à deux queues dans la poche d’un individu ou de capter les battements de cœur de leur interlocuteur).

Ce mélange fait que le roman paraît parfois loufoque, mais jamais fantastique ni improbable, à la manière de ce que l’on a pu appeler le «roman ludique». De fait, comme dans certains romans d’Echenoz, nous trouvons ici une intrigue policière secondaire, qui crée une attente chez le lecteur et fait croître le suspens : quel complot trament ceux de la Zone ? Pourquoi les Services Secrets contactent-ils Jodel ? Dans quel camp se situe Oulan ? Qui sont les truands russes à espionner ? Les énigmes s’accumulent, s’entrelacent, mais, finalement, ne constituent pas le principal du roman : la réponse à certaines de ces questions est vite expédiée ou bien se révèle assez déceptive (l’affaire du restaurant, notamment, qui paraît cruciale dans toute la première moitié du récit, est longuement amenée mais ne révèle finalement aucun secret et n’a pas de lien avec le reste de l’intrigue, comme on pouvait s’y attendre).

Cette fable poursuit donc d’autres buts que le simple polar, en mettant en scène, dans un univers fictif, un Candide soudain débarrassé de son ingénuité face au monde. Derrière l’aspect ludique de l’écriture, c’est une vision pessimiste du réel qui nous est offerte, avec ses meurtres, ses génocides, le terrorisme international, les catastrophes économiques, les effets désastreux de la mondialisation… Et cependant, comme elle tisse la musique de son œuvre en liant ses chapitres par des effets de reprises, la romancière glisse des notes d’espoir quant à l’avenir de ce monde à travers le leitmotiv du désir et de l’amour, ce «chant des étoiles» capable, peut-être, de contrebalancer la «rumeur du monde».


Stéphanie Collard
( Mis en ligne le 18/03/2009 )
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