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Sa patrie, ce palimpseste | | | Ismail Kadaré Le Dîner de trop Fayard 2009 / 18,90 € - 123.8 ffr. / 250 pages ISBN : 978-2213643885 Imprimer
Dans le village de Gjirokastër (qui est aussi le bercail de lauteur), au cur de lAlbanie, deux médecins symbolisent la destinée locale, Gurameto le grand et Gurameto le petit. Le Grand surtout qui, alors que lAllemagne envahit «pacifiquement» le territoire, organise un dîner pour loccupant, une petite armée dirigée par un ami de toujours, le colonel von Schwabe. Germanophile, Gurameto le grand a fait ses études dans la patrie de Kant et en a conservé quelques sentiments nostalgiques. À moins que
Car attaquée à son entrée dans le village par des communistes anonymes ces gens-là nagissent que sous pseudonymes -, la junte nazie a répliqué en raflant quelques villageois promis à une exécution sommaire. En organisant ce dîner, Gurameto entend sauver ses compatriotes, voire même le Juif du coin, son collègue le pharmacien
Un dîner de trop pour certains, indispensable pour dautres, mémorable en tout cas, car ce coup de théâtre des années quarante donnera lieu par la suite à autant de nouvelles mises en scène, alors que lAlbanie, prise dans le tourbillon de lhistoire, changera tour à tour de visages, depuis loccupation nazie, suivant de près les accointances fascistes italiennes, à lentrée dans lUE, en pensant par la libération communiste et la mise au pas stalinienne (laffaire des blouses blanches a pour nos deux toubibs vicinaux des effets collatéraux assez dommageables
)
Bref, cest toute lhistoire des 50 dernières années que le dîner éponyme donne à voir ; une valse aux adieux des régimes, danse absurde traitée en une savoureuse comédie humaine, bigarrée, excentrique, réduisant lAlbanie à létat de palimpseste politique. On pense à Gheorghiu et la La 25ème heure pour le thème, au cinéma de Kusturica pour le traitement baroque et enjoué. A Kadaré surtout, qui titre ici lun des fils dAriane de son uvre : une peinture jamais lassée de lhorreur totalitaire sur le canevas albanais. Une horreur dite avec humour, à la façon dun conte. Le Dîner de trop renvoie ainsi au Général de la mer morte, roman fondateur dune uvre et dune renommée.
Thomas Roman ( Mis en ligne le 18/09/2009 ) Imprimer
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