| Dominique Souton Je (ne) suis (pas) à vendre L'Olivier 2010 / 17.50 € - 114.63 ffr. / 252 pages ISBN : 978-2-87929-702-6 FORMAT : 14cm x 20,5cm Imprimer
Ce roman pourrait commencer par une liste : 1 arrêter la cigarette, 2 arrêter lalcool aussi, 3 arrêter de manger pendant quon y est !, 4 pondre un discours chic et choc pour le vernissage dune exposition, 5 trouver un mâle, 6 et tout ça avant la fin de la semaine
Mission impossible pour Mélanie Coste ?
De fait, Mélanie part un peu lestée : la quarantaine épanouie (i.e. rondouillarde), des addictions en pagaille (à la nicotine, à lalcool, à ses ex
), une mère californienne, copie soixantenaire de Paris Hilton, et une fille qui prend la même direction. Bref, la Bridget Jones française, attachée de presse dans un hypothétique centre dart contemporain. Une vie juste assez ratée pour quelle ait pu développer un bon brin de cynisme, mais pas assez foutue pour quelle nentretienne pas quelque secret espoir de bonheur.
Hélas, le bonheur, en ce lundi matin, est encore aux abonnés absents : à la place, il y a un travail supplémentaire et stressant : remplacer au pied levé la commissaire dune exposition portant sur le sexe, et produire un discours pour le ministre qui linaugurera sous huitaine. Mais que dire de fort sur le sexe quand, précisément, on ne pratique plus depuis des lustres ? Un challenge stressant pour cette quadra vaguement déprimée, coincée entre un ex-mari et un ex-amant, aussi peu intéressants lun que lautre
Il sagit donc de partir à la reconquête de la vie, de son corps, des hommes, du plaisir : la totale. Problème : où les trouve-t-on, les fameux hommes libres, la quarantaine séduisante ? Dans un centre anti-tabac ? Dans une expo dart moderne ? A la piscine du quartier ? Aux alcooliques anonymes ? Sur Facebook ? Cest la guerre !
Les fans de Bridget Jones peuvent y aller les yeux fermés : même ton, même style, même ambiance, même personne (la première)
en mieux écrit, incontestablement mieux écrit. Il ne sagit pas ici dun pseudo-journal (qui, passé lélément de surprise, devenait rapidement pénible à lire) mais dun roman, un vrai, bien senti. Après une galerie de portraits de proches assez cauchemardesques (la mère égocentrique, la sur anorexico-mystique, les collègues incapables et déprimantes, lex-amant pénible, le cousin Donald (sic)
), Mélanie embarque son lecteur dans une odyssée désespérée, en quête de lHomme, armée dun seul T-shirt concept «Je ne suis pas à vendre»
Ben si, elle est à vendre, mais à qui ?
En ces temps de crise économique, il existe un autre drame, une autre crise, avec ses inégalités, ses laissés-pour-compte, ses compressions de personnel, ses délocalisations : celle de la quarantaine, autrement plus tragique, limpression de vivre dans un monde qui a décidé de rajeunir sans vous. Moitié chick-lit, moitié roman de la quarantaine et des quarantenaires, Je (ne) suis (pas) à vendre est une bonne lecture printanière, primesautière et bien troussée. On suit avec plaisir, et même avec un chouïa de compassion, les difficultés de la vie de Mélanie, ses cuites mémorables, ses velléités sportives, ses vitupérations sur lunivers, on croise les doigts à chaque rencontre, on sourit à chaque péripétie bridgetjonesienne (à commencer par une magnifique prestation dans un cocktail de cadres sup).
On peut même, comme Mélanie, sécrier à la manière dun Flaubert «Je pense aux filles de trente ans. Salopes !»
Bref, un roman qui pourrait sadresser en priorité à toutes celles (et ceux : ne boudons pas notre plaisir) qui abordent les rivages de la quarantaine, mais comme le rire dépasse les frontières de lâge, et quon doit pouvoir rire de tout (mais pas avec tout le monde), disons que tout le monde se retrouvera dans ce tableau de lultra moderne solitude.
Gilles Ferragu ( Mis en ligne le 23/04/2010 ) Imprimer | | |