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Marc-Édouard Nabe   L'Homme qui arrêta d'écrire
Marc-Édouard Nabe 2010 /  28 € - 183.4 ffr. / 686 pages
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Ceci d’abord : il paraît, secret exorbitant, coup de génie en catimini, torpille dans le bec des ahuris, que L’Homme qui arrêta d’écrire, vingt-huitième livre de Marc-Édouard Nabe, est une transposition chirurgicale de La Divine Comédie. Diantre ! Hormis quelques signaux, ça nous était passé sous le nez. Comment s’explique un tel aveuglement ? C’est très simple : nous n’avons pas lu Dante. Honte à nous… La vie est mal faite : il faudrait avoir tout lu pour lire bien. Mais il paraît aussi que n’être pas omniscient, que lire à l’ouest 686 pages durant, et que, horresco referens, n’avoir pas lu l’œuvre de Nabe dans son entier, n’empêche pas de fondre en joies en lisant le dernier bébé de Marc-Édouard… Y a-t-il des bonheurs à côté de la plaque ? Des joies que l’Exégèse littéraire, du haut de son pupitre, déclare irrecevables ? Quoi qu’il en soit, L’Homme qui arrêta d’écrire est un livre d’une ampleur telle qu’on n’a pas fini de le disséquer…

Un certain lundi matin, un écrivain arrête d’écrire : «Monsieur, nous sommes au regret de vous annoncer, etc.», lui écrit son éditeur. Adieu littérature, adieu vie vécue pour être écrite : «Que rien ne t’arrête / Auguste retraite» (Rimbaud). Bonjour vie antilittéraire, ô toi qui te tramais, prosaïque, insolente, à quelques empans, quelques années-lumière de l’écrivain cloîtré, cénobite, au fond de sa caverne d’Ali Baba de mots ! Écrire, c’est imaginer des mondes qui existent réellement. Il s’agit désormais, pour l’ex-écrivain, de prendre le réel dans son hypothétique nudité ; de renoncer à le coiffer de ses échevelées paperolles… De ne plus rendre le monde artistique avant d’en faire de l’art. Broutons la platitude du monde ! Au fond, la cause de la littérature exigeait que l’écrivain n’en fût plus un ; n’en parût plus un… Arrêter d’écrire est un sésame à rebours, lequel projette notre ci-devant écrivain hors de lui-même, dans les hideuses merveilles du monde moderne… «Le choc est trop rude : passer de la vie de l’écriture à la vie réelle. Avant, je vivais en voyant d’avance ce que je pourrais écrire. Maintenant, sans la contrainte d’écrire ce qui m’arrive, je me retrouve avec une liberté de vivre qui me déboussole. C’est bien une histoire de boussole, je ne sais plus quelle direction prendre, j’ai perdu le Nord de l’écriture». Au diable le Nord, quand bien même on serait célinien : allons sans compas ! Encrassons-nous aux parois javellisées de la ville ! Fouissons la pourriture glacée ! Et au bout de la nuit, si vous avez besoin d’une Fille, cherchez-là dans les ordures…

«Depuis hier, je redécouvre une autre planète alors que j’ai l’impression de m’être absenté depuis quelques minutes» (p.88). Il va donc falloir rendre présente cette planète, laquelle échafaudait, avec une vélocité sans pareille, des Babels de vent dans le dos des Babels de mots ; qui hallucinait dans le virtuel, tandis que l’écrivain hallucinait dans l’écriture. Nabe costume donc (au propre) son narrateur. Ce dernier, Huron du XXIe siècle naissant, fait mine de délaisser ses poteaux de couleur pour la grisaille du Paris branchouillard ; huron espion grimé en ex-écrivain, affamé de déconfiture. Déconfiture pour lui. Pour le lecteur – ce cochon ! –, c’est confiture. Nous voilà partis pour un voyage de sept jours : Odyssée of course, Création indeed. Le Huron cabote dans les ports les plus pittoresques de Paris, mouille dans les mers les plus touristiques – par là les moins sondées – des années 2000. «Être sensible à la poésie d’un coucher de soleil sur l’Adriatique, c’est facile, mais l’être à celle d’un Quick sur les Champs-Élysées, c’est plus dur». C’est dur, en effet : c’est pourquoi L’Homme qui arrêta d’écrire est si jouissif… À force de peindre tous les êtres-Quick, lieux-Quick et autres événements-Quick, non pas seulement en coquilles s’épuisant dans leur vide, mais en singularités monstrueuses et passionnantes, roulant, comme d’éclatantes billes de feu ranci, le long des cercles de l’enfer, Nabe flétrit nos lassitudes et rend vaines nos mélancolies. Les lieux communs retrouvent leur allant, et leur profondeur… Le vide et le grotesque enfin pétulent, éclatent, explosent ! De l’eau de vie se condense à la surface pas très irisée des Niagara de sirop virtuel. Goules et spectres se regardent «swinguer», éberlués ! Il y a des morts qui attendaient, pour ressusciter, qu’un Paris quickisé pût enfin être poétique – mais pas muséal ; qu’un Nabe arrachât la nécropole à sa résignation et à sa bonne conscience ! Pour de bon, non-êtres et non-lieux surgissent, à la fois semblables à eux-mêmes et transfigurés. Le familier devient exotique ; l’exotique, familier. Le pinceau de Nabe fait de Paris une Byzance à l’envers !

Ce Paris, cet infra-anti-im-monde, un jeune homme en possède le passe-partout et les symboles : Jean-Phi. Ce Virgile (c’est son pseudonyme de blogueur…) paraît mandaté par un destin facétieux pour servir de guide au narrateur dans sa descente aux Enfers climatisés. Cocasse duo : voilà notre ex-écrivain et lévite de la Littérature déambulé par un cicérone qu’indiffère puissamment l’antédiluvienne quincaillerie du Verbe ! Jean-Phi, c’est le Prince de ce monde, l’Ambassadeur du grand carnage. L’Impie. C’est la connaissance et le sacrilège marchant main dans la main. C’est un Virgile comme un poisson dans l’Enfer du tout-liquide ! Et l’avant-garde enthousiaste d’un futur déjà là de pure virtualité, où beauté et révolte sont passées à la robot-moulinette du fun et du concept. Des Jean-Phi sont-ils vraiment possibles ? Des êtres exaltant si inconditionnellement, si radicalement, la viscosité des choses et la liquidité du temps ? Le pire est toujours certain, mais une semblable adhésion au tout-virtuel, au tout-touristique, au tout-rien, paraît surhumaine… C’est que Jean-Phi, ce virtuose du virtuel, est une allégorie plus qu’un personnage. «Dans le jeu vidéo, on ne prend aucun plaisir, mais on ne souffre pas non plus, c’est une espèce de neutralité bourdonnante dans laquelle on flotte et qui est très contemporaine et très nihiliste» : Jean-Phi, à l’inverse des Grecs selon Nietzsche, paraît profond par superficialité. Il fallait, naturellement, que le négateur de toute littérature rencontrât l’écrivain licencié, il fallait que le champion des blogueurs, receleur temporaire du manuscrit du Voyage, fût le mystagogue ultra-mondain de l’adorateur de «Louis-Ferdinand Ier, roi du Royaume de la Plus Grande Écriture de Tous les Temps» !

L’écriture, justement : L’Homme qui arrêta d’écrire décontenance, dès l’abord, les tympans nabophiles : disparues, les arabesques syncopées ! Enfuies, les giclées sonores oranges, bleues et vertes ! Le style paraît, à première lampée, de n’importe qui : gris et plat. Première illusion. Dans L’Homme qui arrêta d’écrire, ont cru remarquer certains, «Nabe écrit comme il parle». Eh bien, parfait ! Nabe, après tout, parle comme il écrit… On découvre bientôt, cependant, que des crescendos sont tapis dans la fadeur… La fièvre gémit sous sa compresse glacée. Ça commence par à-coups, par envolées en rase-motte, puis ça y est : Nabe. Sans trop de festons ni de gargouilles, soit. Mais le rythme, mais l’étreinte, mais l’humour… par-delà l’apparent désabusement. Qu’est-ce qu’on écrit bien quand on n’écrit plus !

Voici donc Paris 2000, parc d’attractions funèbre : l’humeur du narrateur, d’ailleurs, est toute en montagnes russes : des dégoûts puis des tendresses, des haut-le-cœur puis des douceurs…. Du mépris surtout : notre Huron s’ébat, se débat, atterré, entre les parois blanchies du sépulcre moderne, postmoderne et postpostmoderne (quel mot absurde inventer à l’heure où tout post-machin formule son immédiate péremption ?), raye de son laser geeks, gamers, clubbers, hypeurs, branchés et cultureux, maraude dans La Starac’, la mode, la presse, l’art contemporain, 24 Heures Chrono, l’écologie, la fièvre « complotiste » et Second Life… C’est un petit pois féroce coincé dans un mille-feuille de déserts froids et de jungles peu tropicales ! Nabe excelle dans l’art de décrire les lieux de son pèlerinage tels qu’ils se présentent d’abord aux sens du narrateur et faux naïf. Où donc, se demande-t-on, peut bien se trouver, cette fois-ci, ce dernier ? Dans un club ? Un restaurant ? Un magasin de jouets ? Une galerie d’art ? La navette spatiale de 2001, L’Odyssée de l’espace ? Non, chez «Colette, concept store international». Extase. Stupeur burlesque. Et révélation hideuse : car le «concept store», porte-étendard du cynisme de la «transparence», n’hésite pas à proclamer sur ses murs que «le shopping est devenu l’occupation n° I du monde occidental» On le voit, c’est désormais en toute «transparence» qu’exulte l’aliénation.

Le magasin Colette est «d’une propreté écœurante, d’un esthétisme antiartistique, d’une laideur esthétisée», comme Paris, et comme Paris, sa mue incessante, hallucinée, pathologique, fait avorter toute tentative de saisir quoi que ce soit : la métamorphose permanente, c’est le meurtre du temps. Le passé ? Une Atlantis engloutie. Le présent ? Un non-lieu dégluti. Le futur ? C’était tout à l’heure. Le temps, à force de s’emballer, abolit tout relief ; la perspective, quant à elle, est rongée par l’acide de la profusion tous azimuts. Et ce ne sont pas seulement le vrai, le juste, le beau qui s’évanouissent : le faux n’est lui-même jamais tout à fait certain de ne pas receler un peu de vrai… À la fête foraine des Tuileries, le narrateur soupire : «Les choses fausses existent en vrai ici. C’est ce qui leur donne encore une sorte de poésie…». Le faux est un moment du vrai ! Au bout du compte, au bout du rouleau plutôt, tout se vaut, tout arrive et rien ne se passe. Les aiguilles de l’horloge, dont la rotation fiévreuse produit l’illusion d’une station, ces autoritaires aiguilles intiment à tous de «bien se défoncer dans l’anti-présent» ; elles marquent ««Nona hora»… La dernière heure de l’Apocalypse… Le moment où n’importe qui peut faire n’importe quoi…» N’importe quoi, c’est-à-dire un peu de tout, c’est-à-dire rien de précis. Les hommes faits pour rien sont capables de tout !

«On sait se faire plaisir en mélangeant les incompatibles… déclare un personnage, Pat. Le désordre désordonné, le n’importe quoi étudié, le raté conscient, le grotesque monté en épingle, tout ça c’est le monde de la mode, parfaitement à l’image de ce début de millénaire. Une sorte de baroquisme ou tout et rien sont sans arrêt broyés dans des confusions extasiées, des insignifiances sacralisées». Ce fatras consacré libère la voie à la fierté des marginalités centripètes, des iconoclasmes proprets, des originalités grégaires. Le personnage de Pinonceli, briseur de ready-made, est très à son aise dans ce flou peu artistique. De Pinonceli, «certains disent qu’il rend hommage à Duchamp en s’en prenant à une œuvre elle-même iconoclaste, et d’autres qu’il commet un sacrilège». Pinonceli est-il un artiste ? Un anti-artiste ? Un réactionnaire ? Un continuateur ? Un novateur ? Un annihilateur ? Tout et rien à la fois. Art, non-art, post-art ou anti-art, tout le monde a sa chapelle et tout le monde est paumé. Qui, lui retournant son hommage, brisera le briseur Pinonceli ?

Voici l’heure où les choses s’effondrent sous leurs propres coups ; voici une époque qui, inapte à l’art, se gargarise de design, de même qu’incapable d’idées, elle se pend au concept. Désormais, on met en concept comme on met en conserve : en n’oubliant pas l’étiquette. Le commentaire précède désormais toute création. Depuis deux millénaires et plus, le concept – soit le râle de la langue tendant ses syllabes vers l’être – œuvrait, fiévreux, à faire advenir les choses, au lieu qu’aujourd’hui, les «concepts» sont la fin – le début plutôt – et les choses les moyens… C’est ainsi qu’un gâteau n’est plus gâteau, mais «création de gâteau». Le narrateur, face à une baignoire trônant au beau milieu d’une chambre d’hôtel «hype», aura ce délicieux lamento : «Ô concept.» Ce Ô élégiaque, ce point blasé, ce Ô et ce point associés pour railler l’impotence plastronnante du concept à tout crin, a-t-on vu assemblage plus précis, plus fatal ? Deux mots, un point : «Ô concept.» Un ange passe, une baudruche éclate…

À vrai dire, devant ce fatras canonisé, les propagateurs de l’indigence eux-mêmes sont pris de nausée. Bientôt au bord du gouffre, ils se cramponnent à l’humour. Faux humour hélas, mixte de rire démoniaque et de croassement clownesque. Le second degré perpétuel triomphe, dans une grimace. La profondeur ? «Has been». La légèreté ? Sur la tête de quoi danserait-elle, la profondeur enfuie ? Reste la futilité. Les dandys autoproclamés ne veulent plus entendre parler de «beauté», de «vérité» : bien trop premier degré. L’exaltation déparerait leur gilet. Vibrer tache. «Le second degré, soupire le narrateur, c’est bien pratique pour ne rien faire en vrai». Trompètent la vanne et la «déconnade», combats contre la lourdeur soi-disant, en fait rognures de demi-vides et de quarts de souffrance, saupoudrées de confettis de spleen. «L’humour n’est jamais loin de l’horreur en ce début de siècle». On y est : l’humour est devenu littéralement ravageur. Le sourire se fige, par là s’annule : le second degré perpétuel n’est qu’un premier degré qui s’ignore. Le personnage d’Édouard Bäer n’en finit plus, comme tant d’autres, de pourrir dans le formol de «sa perpétuelle et douloureuse déconnade au second degré».

Nabe vomit beaucoup. «Qui vomit a dîné», écrivit-il, jadis, en exergue de son premier livre. Il nomme, puis assassine. Pas de quartier, si ce n’est de viande crue. Les premiers crachats nabiens, il y a maintenant vingt-cinq ans, se faisaient fort d’emporter la tête du visé ; les rosseries nouvelles soupirent de ne savoir quoi sauver… Nabe rejoue constamment le fameux dîner chez Beauvivier, dans Le Désespéré de Léon Bloy, soit l’holocauste des sans-famine comme hygiène morale. Y a-t-il trop de mitraillades ad hominem dans L’Homme qui arrêta d’écrire ? Probablement. Cependant, ce qui d’abord frappe dans le roman, ce sont toutes ces fleurs qui poussent entre les fusils : Pat, Estelle (la si sexy dyslexique), l’extraordinaire héros pédophile, Kahina, Zoé, d’autres encore ! Magnifiques angelots ahuris, divins raseurs de pâquerettes, paumés espiègles, égarés émouvants, déshérités absolus et admirables… Rayons de soleil gris et roses tordus par le dénuement ! Nabe, très tendre, très père, les laisse parler de leur nulle part, abandonnant à son narrateur le loisir de se stupéfier, dans son coin, de tant d’aboulie : «Vous n’êtes même pas nihilistes, quelle tragédie !» Tragédie sans aucun doute, tant que ne déboule aucune Liza ! Liza, charmante enfant mature, vive et primesautière, toujours sur le point de ressusciter, à elle seule, l’épave Jeunesse… Une partie seulement : l’autre s’est sabordée à quai. «Trente ans à peine et on dirait à la fois qu’ils n’ont jamais rien connu et qu’ils ont déjà tout vécu. Une nouvelle sorte de revenus de tout est née : les revenus de rien…». Que faire de cette jeunesse prostrée hors des oui et des non : dans le domaine du Malin ? «Plus besoin de lutter contre les infidèles puisqu’ils ont laissé place aux indifférents». L’accablement règne, tempéré par une sorte de mansuétude : Nabe sait bien qu’au fond, la soif, ça s’apprend…

Et puis un soir, au fin fond d’un club échangiste, une lueur… Le «club à touze», ici, n’est pas que ce mouroir fatal (et miroir évident) où viennent crever les fantasmes de l’Occident peine-à-jouir. C’est ainsi qu’à la faveur d’un petit ballet immobile, érotique, extatique et tendre, orchestré spontanément par le narrateur et sa jeune amie Liza au contact d’un couple ahanant son coït, un très mince et très concentré rai de lumière vient tomber d’ailleurs... C’est un doux et lumineux vaisseau qui se forme, une chapelle de corps chastement enchevêtrés dans l’érotisme, traversant en ovni enivrant l’obscurité fétide. Jouvence ! Jouvence que cette scène orphique, aussi émouvante que fugace, qu’un grand écrivain seul pouvait avoir l’audace de réussir, bravant le cliché du club échangiste comme banal cloaque, et redorant cet autre cliché, profond, biblique, johannique, de la lumière transperçant les ténèbres, lesquelles ne la comprennent pas. Le narrateur descend au cercle extrême, puis se soumet à la grâce de la remontée annoncée. Car bientôt, après une déambulation nocturne époustouflante sur les Champs-Élysées (orphisme encore !), cent pages et une nuit durant ; car bientôt... Des esprits hâtifs ont vu en L’Homme qui arrêta d’écrire un roman crépusculaire. Crépuscule, certainement, mais chez Nabe, le crépuscule revigore ; l’énergie crève les plafonds les plus délabrés du Purgatoire. Le paradis paraît lointain et proche à la fois : «C’est encore timide comme bleu qui veut prendre la place du noir… Mais quand même… Il se déchire de drôles de choses derrière les derniers nuages».

L’Homme qui arrêta d’écrire empaille les années 2000 et les électrise. L’exaspération domine en apparence, mais Nabe l’alchimiste la fricasse, la malaxe, la chauffe, pour en faire un philtre d’allégresse. Le virtuel, l’obscurité, l’entropie : autant de beaux défis à ceux qui se font forts de chercher une paille d’or dans une botte d’aiguilles. Ces années 2000, c’est nous. Nabe est un ventriloque qui nous fait bramer notre torpeur, avec toute la lucidité de son dégoût... Voilà pourquoi la lecture de L’Homme qui arrêta d’écrire est une expérience unique, de joie et d’angoisse mêlées. Ce livre nous mâche puis nous recrache, lustrés. Avis à ceux qui n’aiment pas être bouffés tout cru : ce livre n’est pas pour vous. Le Nabe nouveau sent son «vieux con», ont couiné quelques aigris. C’est bien. Nous sommes quelques-uns à préférer les vieux cons qui pètent le feu aux intelligents frétillant de jeunisme gâteux.

Exeunt les idiotes années 2000, voici les imbéciles années 2010. Ne sortez pas sans votre calibre 28 !


Jean-Baptiste Fichet
( Mis en ligne le 28/06/2010 )
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