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Recherche identitaire et stylistique
Maud Basan   La Seule
Denoël 2010 /  17 € - 111.35 ffr. / 217 pages
ISBN : 978-2-207-10114-8
FORMAT : 14cm x 20,5cm
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Le mariage, dit-on parfois, c’est de ne faire plus qu’un. Alors le divorce dans ces cas-là, ça devient en quelque sorte une opération de super chirurgien qui détache des siamois en partageant leurs organes pour que chacun ait de quoi vivre. Sauf qu’il y a aussi de mauvais chirurgiens, et des bouchers qui jouent au chirurgien, et même des bons chirurgiens qui doivent sacrifier l’un des siamois au profit de l’autre. Donc finalement, quand on était deux en un, on risque de se retrouver moins qu’un, quand l’autre s’en va.

Perluète, on s’en doute, est dans ce cas et se retrouve seule, littéralement incarnée dans une solitude qui est devenue son unique contour, sa définition exhaustive. Le reste, ce qui la reliait aux autres et à L’autre, à Lui, le reste a disparu. Et parce que l’homme est un animal sociable, c’est en partant à la recherche des preuves de son appartenance à l’humanité et de son inscription passée dans un couple, que Perluète, dont le nom est emprunté au signe typographique “&”, va (peut-être) retrouver son identité.

Parmi les éléments essentiels de cette quête, le langage dont la poursuite se fait sous le signe du “long, immense et raisonné dérèglement de tous les sens”. Soumis à une opération systématique de déconstruction, il est poussé dans ses derniers retranchements tout au long de l’ouvrage : inversions, distorsions, prééminence donnée à la sonorité sur le sens, jeu de listes, de suites, entrées et sorties du coryphée, abandon de la ponctuation et pieds de nez à la syntaxe, émiettement narratif, tout est fait pour désarçonner le lecteur et torturer la langue. Soyons honnêtes, la langue ne sera peut-être pas la seule à souffrir.

Mais, fort heureusement, au-delà du défi linguistique, c’est un concert d’émotions savamment modulées que nous offre Maud Basan. Dans ce premier roman, elle a tout calculé, mais elle a aussi beaucoup donné, d’elle-même ou d’autres qu’elle aura su écouter. L’étouffement, la faiblesse, la douleur, la jalousie sont tour à tour déclinées, tandis que la douceur sépia d’une tendresse nostalgique vient à d’autres moments imprégner des pages semblant tout droit sorties d’un tableau de Cézanne : éclatés en méplats colorés, portés par une lumière intérieure, recréant le volume de la réalité mieux que s’ils avaient voulu le représenter avec davantage de fidélité figurative, les fragments de souvenirs convoqués selon des logiques absurdes, parfois alphabétiques, parfois numériques, rappellent à Perluète les années passées, heureuses et définitivement perdues.

Se reconstruire, pour Perluète, c’est apprendre à faire les comptes et savoir ce qui est elle, et ce qui ne l’est pas, pour pouvoir se retrouver vraiment seule, mais indemne. C’est abandonner ses vieux vêtements, sa chair gangrenée, cicatriser et se faire repousser une jambe, avant de finalement laisser derrière soi le passé, sans se retourner, et d’éviter ainsi non l’infortune d’Orphée mais celle de la femme de Lot, transformée en statue de sel. Se reconstruire, c’est trouver le courage de reconstruire à cinquante ans comme si on en avait vingt.

Roman violent, tant sur la forme que sur le fond, La Seule souffre peut-être de certaines longueurs poétiques. Toutefois, l’exercice de l’écriture expérimentale est d’ordinaire plus souvent gâché par la faute d’un manque de cohérence et de persévérance que par la systématisation des attaques. Nous aurions donc mauvaise grâce à bouder un travail stylistique abouti, sous prétexte qu’il est parfois vaguement indigeste, et nous nous contenterons de regretter que le caractère drolatique de la plume de Maud Basan, mis en avant par l’éditeur, nous ait hélas échappé. Brutal et sensible, érudit, poignant, minutieux... Ne pouvait-on mettre en avant d’autres points forts de cet ouvrage, qui n’a rien d’un bouquin de plage ou d’un journal féminin ?

A réserver donc aux chercheurs en littérature nouvelle, sous peine de déception.


Aurore Lesage
( Mis en ligne le 29/09/2010 )
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