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En compagnie d’Yves
Yves Simon   La Compagnie des femmes
Le Livre de Poche 2012 /  6.90 € - 45.2 ffr. / 232 pages
ISBN : 978-2-253-16291-9
FORMAT : 11cm x 18cm

Première publication en février 2011 (Stock)
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On connaît mal, finalement, le lectorat d’Yves Simon (né en 1944) : une bonne dizaine de romans, plus de vingt livres au total, deux prix littéraires, des chroniques dans les grands journaux parisiens ; il a sa place dans la littérature française contemporaine. Mais va-t-il y rester ? Le faudrait-il ? Le veut-il ? Qu’en pensez-vous ? Sont-ce donc les adolescents romantiques qui le lisent ou les ménagères de plus de 45 ans ? Un sondage serait intéressant à faire. Car si quelques romans restent ancrés dans leur époque - Les Jours en couleurs (1971), Océans (1983), La Dérive des sentiments (1991), Le Prochain amour (1996) -, il ne serait pas injuste de signaler que depuis presque 20 ans, Yves Simon ne fait plus que du Yves Simon. Il se plagie, et qui dit plagiat dit souvent qualité moindre, voire médiocrité.

Qu’écrit-il ? Son roman le plus célèbre, salué par le prix Médicis, pourrait résumer ainsi toute son œuvre littéraire : une permanente ''dérive des sentiments'' (Grasset, 1991). Car l’écrivain aime, est aimé, et vit l’amour sous toutes ses formes (sédentarité, voyages, libertinage, fidélité, rupture, mariage, souffrance, solitude, désir d’enfant, etc.). Les déclinaisons ne manquent pas sur quelques milliers de pages depuis 40 ans (sans compter les chansons car on sait qu’ici Yves s’est fait un nom aussi, en une dizaine d’albums).

On s'essaye aujourd'hui à La Compagnie des femmes, certain d’y trouver quelques jolies visages qui ont parsemé l’existence de ce chanceux saltimbanque. L'homme est riche, écrivain et célèbre, il habite Place Dauphine à Paris ; un appartement luxueux, une vie d'artiste : logiquement, les femmes défilent ! Et il aime nous conter ses aventures. L’ennui, c’est qu’il les enjolive d'un lyrisme souvent désuet, d'un pathos franchouillard ou de mauvaises théories libidineuses ! Son style de chansonnier ne lui permet malheureusement point de rivaliser avec ses grands maîtres, Proust en tête, sur les mystères de l’âme. La chanson, un art où pourtant il excelle ; mais être ''écrivain'' sonne mieux !...

Dans ce dernier ouvrage, autobiographie déguisée, une de plus, son éditeur (une nouvelle maison d’édition, après plus de 30 ans de collaboration avec Grasset), suggère au narrateur, la soixantaine bien entamée, de rédiger ses mémoires d’écrivain séducteur. Alors en pleine crise existentielle, l’artiste prend sa voiture, en solitaire, et roule sur les autoroutes du sud, entre bourdonnements des moteurs et calme des aires de repos. Il aime ça, la solitude, la laideur de paysages modernes, les hôtels de province, les stations-services perdues, les café crèmes industriels, l’ordinateur high-tech... Tout l'inspire et nourrit les début de sa biographie qu’il enverra à son éditeur et dont il nous fournit quelques passages.

Tout y commençait bien du point de vue des effets. Se rappelant quelques scènes érotiques, il note : «Qui se souvient de ses jouissances ? De ces décharges électriques qui embrasent un instant le corps, yeux révulsés, muscles défaits, à s’oublier une micro-seconde d’éternité. On sait qu’elles eurent lieu, mais la mémoire n’a retenu que des flamboiements génériques, répétitifs, où les femmes qui les provoquèrent s’indifférencient dans un souvenir étale n’englobant plus aucune singularité». Ou encore : «Lorsque nous nous sommes quittés, j’avais le sentiment de porter des pierres sous la peau, d’être un ouragan qui bruissait de partout, mais qui devait se taire puisque la politesse entre nous avait plus qu’une signature élégante du désespoir, mais encore, la marque de l’amour même que nous nous portions».

On se dit alors qu'Yves Simon y est enfin arrivé : désabusé, lucide, il prend de la distance avec le lyrisme et la passion physique d’antan. Mais on est seulement à la page 33 et malheureusement, tout revient à grands pas : les bons sentiments et l’éternité des muqueuses... Il rencontre Léonie qui, malgré ce prénom fleurant bon les gâteaux de grand-mère, est une belle Guadeloupéenne de 30 ans. Elle est séduite comme seul Yves Simon peut le faire, à la parisienne, façon Nadja des années 80, avec en sus spectacles mondains et télécommunications : un must du genre ! Le roman sombre sous l'autofiction, les personnages sous l'ego d'Yves Simon.

S’ensuivent les amours de Justine, de Luna, de Camille, ramenées à la chaîne dans le lit par cet adolescent de 65 ans. Avec quelques considérations sur le monde actuel : le narrateur, penchant son nez à la fenêtre de son hôtel, se demande où vont toutes ces voitures dès 7 heures du matin ! Le lecteur, qui, lui, sans doute, travaille et donc se lève tôt, peinera à s’intéresser à ce reportage égocentrique d'une vie intellectuelle et sentimentale...

Un roman entre souvenirs personnels et familiaux, chronique du monde moderne et road-movie sentimental et gastronomique (mais qu’ont ces écrivains à nous renseigner sur les sandwichs qu’ils ingurgitent à la va-vite ou les centaines de cafés crèmes qui enrichissent les tenanciers ?!), sans oublier quelques touches culturelles et ''branchées'' de bon ton (d'Antonioni à Godard en passant par Wong Kar-Wai et Peter Gabriel), face auquel tout lecteur exigeant devrait passer son chemin. Ceux et celles qui s’illusionnent sur la vie des intellectuels sensibles (une sensibilité servant d'alibi à une simple obsession sexuelle), puiseront là quelques recettes de fast-food, de savoir-vivre parisien et de séduction... Et si l'on s'intéresse à Yves Simon et à sa vie, La Manufacture des rêves (Grasset, 2003) nous semble bien plus recommandable.


Jean-Laurent Glémin
( Mis en ligne le 25/06/2012 )
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