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Littérature -> Romans & Nouvelles |
| Fredrik Sjöberg Piège à mouches Les Allusifs 2011 / 17 € - 111.35 ffr. / 222 pages ISBN : 978-2-923682-17-4 FORMAT : 12,3cm x 20cm
Elena Balzamo (Traducteur) Imprimer
Cest un ouvrage étrange auquel on a ici affaire ; celui dun entomologiste qui nous explique sa passion pour les syrphes, une catégorie de mouches quil pourchasse sur la petite île de Suède où il demeure. Son ardeur à collectionner la aussi engagé à rechercher des éléments sur la vie agitée de René Malaise, un entomologiste suédois, modèle daventurier, qui partit dans lentre-deux-guerres au Kamchatka, au Japon et en Birmanie doù il rapporta des centaines de milliers de spécimens, notamment grâce au piège à insectes, dit piège Malaise, quil mit au point et que le narrateur finit par utiliser.
La juxtaposition de ces deux histoires, celle de lexplorateur qui parcourut le monde et celle du sage collectionneur de syrphes, amène le narrateur/auteur (Sjöberg est lui-même entomologiste) à quelques méditations sur ce qui pousse un homme à se lancer dans une collection, les limites quil simpose ou celles quil décide de franchir. Ce que Strindberg appela avec condescendance, voire mépris, «archipel boutonologique», cest justement lavidité à collectionner nimporte quoi, des mouches ou des boutons, «des cancrelats sur des épingles de zinc». Le narrateur semble sen détacher, ce qui explique pourquoi il sest «cantonné» aux syrphes qui comptent plusieurs milliers de spécimen déjà découverts, quil guette dans un espace limité, son île. Mais très vite, il cherche à distinguer dans son comportement ce quil a découvert chez Malaise : est-ce la passion des syrphes qui pousse lentomologiste à les traquer ou est-ce la passion de collectionner ? Et par conséquent, comme Malaise qui passa la fin de sa vie à chercher des toiles de maître égarées dans les bouleversements de la Seconde Guerre mondiale, le narrateur se sent glisser dans le piège à collectionner.
A partir de cette réflexion sur le collectionneur et sa passion parfois dévorante, Sjöberg réussit un tour de force : celui de nous amener, avec beaucoup dhumour, à pénétrer dans la vie aux apparences tranquilles, du chasseur de mouche, un filet dans la main, arrêté sous le soleil des étés suédois, attendant sa minuscule proie quil compte traiter ensuite avec des délicatesses damoureux. Et la littérature apparaît ici comme une catharsis, lultime traitement que le malade en proie à la boutonologie tente de sinfliger, pour se guérir peut-être.
Amélie Bruneau ( Mis en ligne le 19/12/2011 ) Imprimer | | |
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