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Moderne solitude
Yôko Ogawa   Les Lectures des otages
Actes Sud - Babel 2021 /  6,80 € - 44.54 ffr. / 32767 pages
ISBN : 978-2-330-00523-8
FORMAT : 11,0 cm × 18,0 cm

Première publication française en mars 2012 (Actes Sud)

Martin Vergne (Traducteur)

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A priori, la prise d'otages suppose la privation de liberté, mais le traumatisme va au-delà, et les récits d'anciens otages s'attachent tous à rendre une impression, celle d'avoir été, un temps, en marge de l'existence, séparés des autres et de la vie, isolés du monde...

C'est ce sentiment qui inspire ce faux roman, et ce vrai recueil de nouvelles de Yôko Ogawa. Faux roman car l'unité de l'ouvrage n'est assurée, en quelques pages, que par un prétexte, une prise d'otages qui réunit 8 touristes japonais, lesquels, pour tromper l'ennui de la détention autant que l'incertitude de leur sort, se racontent chacun une histoire... Mais vrai recueil de nouvelles, donc, car le thème central demeure, celui de l'isolement, la vie d'êtres qui sont comme retirés du monde du fait de leur situation familiale, de leur caractère, de leurs capacités (ou de leur absence de capacité), de leurs langues, de leur travail - la prise d'otages servant là de métaphore.

On écoute donc, avec un soldat anonyme qui a réussi à faire passer un micro pour enregistrer les otages, des récits de vie du Japon contemporain : une petite fille solitaire dont le seul jeu consiste à espionner les ouvriers d'une fonderie, une vieille dame hargneuse qui gère un immeuble et s'enferme dans une obsession du rangement, un employé sans histoire qui s'invite dans des groupes de discussion pour vivre la vie des autres, un vendeur obstiné de peluches miteuses, une veuve qui s'applique à ne plus laisser de traces dans la vie, etc.

Autant de tranches de vies minuscules scrutées, disséquées pour en discerner l'essence : avec Yoko Ogawa, on plonge dans un Japon intimiste, loin de la surpopulation, de l'empire de la civilité et du contrôle de soi... Un Japon, au contraire, où l'on est souvent seul, abandonné sur une balançoire, au pied d'un escalier, au sein d'une assemblée comme dans l'intimité d'une chambre, un Japon où le moindre lien tissé entre deux êtres suppose de sortir d'un carcan de rituels, de conventions pour découvrir l'autre. Certaines nouvelles semblent des hommages : ainsi, la «Salle de propos informels B» évoque les groupes d'entraides du Fight club de Chuck Palahniuk, autant qu'une mise en abîme du livre, consacré lui aussi à un groupe de parole informel. En effet, c'est à cet exercice que les 8 otages se livrent, au cours de la dernière semaine de leur vie : 8 histoires pour se découvrir et s'aider, se soutenir.

L'écriture est légère, ramassée, allant à l'essentiel, dans la tradition d'une certaine littérature japonaise, cultivant l'inactuel : une image, une impression, une vague description. Ce sont des histoires dans lesquelles le lecteur semble flotter, aérien, passant d'un individu à l'autre sans jamais vraiment s'attacher ou même s'identifier, tant les héros présentent peu d'aspérité. L'essentiel est ce petit mystère que recèle chaque personnage, et que l'auteure entrouvre. L'exercice est séduisant en ce qu'il prône une distance constante entre le lecteur curieux mais pas empathique, et les divers narrateurs, dont on sait d'emblée qu'ils sont condamnés. Leurs vies minuscules n'en sont que plus haletantes.

Une belle lecture.


Gilles Ferragu
( Mis en ligne le 04/06/2021 )
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