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Irina Golovkina   Les Vaincus
Editions des syrtes 2012 /  45 € - 294.75 ffr. / 1104 pages
ISBN : 978-2-84545-170-4
FORMAT : 15,2 cm × 23,5 cm

Xénia Yagello (Traducteur)

Nikolaï Kirillovitch Golovkine (Postfacier)

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A la fin des années 1980, Francis Fukuyama signa un article devenu classique sur le sens profond de l’Histoire, dont il développa les thèses dans La Fin de l’histoire et le dernier homme. L’effondrement de l’URSS et donc la fin de la Guerre Froide auraient révélé la signification véritable de l’Histoire de l’humanité. Ces deux évènements majeurs annonceraient la diffusion universelle de l’Etat rationnel, permis par la démocratie libérale et l’économie de marché. Cette forme d’organisation des pouvoirs politiques satisferait à la fois les aspirations à la liberté, les besoins en termes de consommation ainsi que l’aspiration à la reconnaissance (le «thymos» platonicien).

La chute du communisme a donc fait l’objet de théorisations diverses, dont celle de cet auteur hégélien qu’est Francis Fukuyama. Cet épisode a également permis une éruption de textes longtemps dissimulés en raison des risques extrêmement sérieux qu’ils auraient pu faire courir à leurs auteurs. Dans cette masse de textes, on a notamment retrouvé Les Vaincus, très bel ouvrage d’Irina Golovkina qui vécut entre 1904 et 1989. La petite-fille du compositeur Nikolaï Rimski-Korsakov entreprit des études d’art et de linguistique, avant de devoir les interrompre en raison de ses origines sociales. Elle travailla ensuite comme technicienne en radiographie, poste auquel elle dût également renoncer.

Le roman d’Irina Golovkina fut rédigé d’une longue traite durant les années 1960, puis il fut diffusé dans la plus parfaite clandestinité en URSS. C’est en 1992 qu’il fut officiellement publié. Les Vaincus connut alors un immense succès, devenant très promptement un livre culte. En quelques 1094 pages, Irina Golovkina raconte la tragédie russe du XXe siècle : au cours de la Grande Guerre, pendant laquelle la Russie tsariste combattit un temps aux côtés de l’Entente, les Bolcheviks se soulevèrent en 1917. Après d’âpres guerres contre les Blancs, les révolutionnaires parvinrent finalement à s’emparer du pouvoir.

Ce roman rend compte des derniers feux de la noblesse et de l’intelligentsia russes, lesquelles tentèrent envers et contre tout de survivre à la terreur stalinienne qui suivit l’arrivée au pouvoir du Géorgien. Dans cette gigantesque et brillante fresque, qui n’est pas sans rappeler Guerre et Paix de Tolstoï, Irina Golovkina, qui aime beaucoup citer des poétesses comme Anna Akhmatova et Marina Tsvetaïeva, concentre le récit sur deux familles naguère aisées qui subissent de plein fouet les affres de la révolution communiste, le déclassement, le dénuement, la déportation et les exécutions.

L’auteure s’intéresse certes à des aristocrates déchus, mais ce n’est pas tout. Irina Golovkina donne à voir le cas d’ouvriers, de musiciens, bref de personnes tout à fait diverses qui ont été persécutées par la révolution communiste. Les sentiments de ces individus sont très finement restitués sous la plume sensible de l’auteure. Ce qui rend cette œuvre à bien des égards émouvante et touchante. Ainsi découvre-t-on par exemple Iolotchka, laquelle souffre de voir ses proches ostracisés ou même tués, ainsi qu’Assia que son oncle Sergueï s’efforce de protéger. Celui-ci fera la dure expérience des camps de travail…

Grâce à ce roman passionnant et remarquablement bien écrit, le lecteur se trouve plongé dans certaines des heures les plus sombres de l’histoire russe du siècle dernier. Le quotidien et le tourment quasi-permanent des «vaincus» de la révolution bolchevique y sont extrêmement bien décrits. Généralement, les ouvrages historiques appréhendent l’histoire du point de vue des vainqueurs. En l’espèce, la dialectique hégélienne se déployant d’une certaine façon au fil des pages de cette très riche saga russe, ce sont les «vaincus» qui se trouvent placés au pinacle. Leurs trajectoires souvent troubles sont rapportées avec une très grande sensibilité.


Jean-Paul Fourmont
( Mis en ligne le 16/11/2012 )
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