| Anne Lenner Ca va trop vite
Le Dilettante 2012 / 17.50 € - 114.63 ffr. / 284 pages
ISBN : 978-2-84263-723-1
FORMAT : 12,0 cm × 18,0 cm
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«J’étais alors un avorton, une pelure d’oignon juste bonne à faire pleurer sa mère et ses sœurs». Le ton est donné, vert, féroce et joyeux. Epsilon vit dans le ''bocal'', du côté du périph', dont on ne franchit jamais les frontières, tournant en rond comme un poisson rouge, mais avec une obsession permanente et aigüe : faire du fric.
Il ne faut pas plus qu’un grand frère largement initiateur au vol de sac à main et à la revente de drogue pour créer un délinquant. Ainsi, avec la rapidité d’une flèche, Epsilon va gravir les échelons jusqu’à devenir le protégé et le dealer de Lacrymo. Un drôle de type, ce Lacrymo : bouddha albinos, obèse et redoutable, fournisseur de drogue à grande échelle. Il est connu dans la cité pour être un fin parleur. Son vocabulaire châtié et sa diction élégante laissent tétanisé et pantois son élève à la langue primaire. Epsilon, du haut de ses onze ans, prend la mesure du chemin qui lui reste à parcourir et, chaque soir, il s’applique à apprendre une page du dictionnaire que lui a généreusement offert son maître. Pour le reste, il y a Ahmed, Ahmed le gentil qui a décidé de prendre ce malingre par la main et de l’initier au sport en salle.
Plus rien ne s’oppose désormais aux ambitions d’Epsilon : avec sa belle gueule d’ange, son avidité sans limite, il est prêt pour une réussite éclatante… sauf, sauf que les années passant, à quinze ans, de dealer, on devient consommateur puis, l’impécuniosité aidant, on passe à la prostitution. Il y a pourtant de bons moments, des moments intimes qui portent leur récompense, comme la croupe callipyge de Béatrice qui induit notre adolescent en tentation et génère une défloraison sans romantisme sous le vocable ''baise''.
Dans l’appartement du Square Monceau où son habileté perverse et ses talents multiples l’ont amené, Epsilon fait la difficile expérience de l’humiliation. Le vernis intellectuel acquis auprès de Lacrymo ne résiste pas à une étude approfondie et la bonne bourgeoisie a tôt fait de remettre Epsilon à sa place, c’est-à -dire de l’autre côté du périph', sous les murs dévastés de la cité que l’on détruit à grands coups d’explosif. Pourtant, notre ado, devenu jeune homme, va connaître la gloire : la nature l’a doté d’une voix magique qui fait délirer les foules. L’intelligence, largement tempérée par ce qui ressemble fort à un instinct de destruction ne suffit pas toujours… A suivre.
Avec une langue qui évolue en même temps que le récit, Anne Lenner accompagne le lecteur dans une descente aux enfers. Une histoire du quotidien en même temps que de l’exceptionnel, et ça va vite, trop vite.
Anny Lopez
( Mis en ligne le 23/11/2012 )
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