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Littérature -> Romans & Nouvelles |
| Howard Jacobson Kalooki nights Calmann-Lévy 2012 / 22.50 € - 147.38 ffr. / 487 pages ISBN : 978-2-7021-4335-3 FORMAT : 15,0 cm × 23,0 cm
Pascal Loubet (Traducteur) Imprimer
En exergue : «Je connaissais un dénommé Otto Kahn, qui était très riche et qui donnait beaucoup dargent au Metropolitan Opera à une époque. Il était très ami avec Marshall P. Wilder, qui était bossu. Alors quils descendaient la Cinquième Avenue, ils sont arrivés devant une synagogue, et Kahn sest tourné vers Wilder et lui a dit : «Tu sais, avant jétais juif. -Ah bon ? a répondu Wilder. Et moi avant jétais bossu»». Cette petite histoire donne le ton du livre
Peut-on décider de ne pas, de ne plus, être juif ? Et faute de réponse, lhumour est le seul salut
Les éditions Calmann Lévy publient aujourdhui le roman qui précède La Question Finkler (paru lan dernier). Un réjouissant récit à la première personne denfances juives à Manchester au lendemain de la Seconde Guerre mondiale. Le narrateur, Max, appartient à une famille juive laïque, avec un père qui réprouve fortement les discours religieux, larchaïsme du shtetl et les traditions des orthodoxes, et se réjouit de vivre dans la modernité anglaise. Il y aussi un oncle, Ike le tsedraitissime, qui est le contraire absolu du père : «Nous avions cinq oncles Ike dans la famille, si lon tient pour famille tous les Juifs qui portaient notre patronyme, avaient épousé quelquun qui le portait ou se montrait amicaux. Notre demeure était une sorte de SPA pour Juifs égarés. Ike le Grand, Ike le Petit, Ike de Liverpool, Ike le Louche et Ike le tsedraitissime ainsi appelé parce quil était le plus tsedrait, cest à dire le plus imbécile des cinq». Il y a une très jolie mère qui passe son temps à jouer aux cartes avec ses amies (les kalooki nights), une sur, Shani. Il y a également Manny Washinsky, le grand ami, fils de juifs orthodoxes.
Sur cette enfance plane lombre de la Shoah qui est plutôt vécue comme une aventure à la fois effrayante et excitante par les jeunes garçons. De la Shoah, de ce quils en comprennent des récits autour deux, en sappuyant sur un livre qui raconte la Solution finale (Sous le signe de la croix gammée), ils rédigent une bande dessinée quils intitulent Cinq mille ans dinquiétude. Adultes, ils se sont perdus de vue. Max, devenu dessinateur humoristique, ne courtise que des goys dorigine germanique (tous leurs prénoms ont un umlaut, autrement dit un tréma), des shiksa, quil rend antisémites et qui toutes le quittent plus ou moins rapidement
Les tribulations amoureuses (et malheureuses) de Max sont un vrai roman dans le roman et partie intégrante de lhistoire ! Manny, lui, est en prison pour avoir assassiné ses parents en les gazant
Les deux hommes vont se retrouver à la demande dun producteur qui veut faire un film de lhistoire de Manny et leur rencontre fait lobjet de la seconde partie du livre.
Howard Jacobson joue avec virtuosité des obsessions de ses personnages, avec en toile de fond, partagée par tous, la question juive, la question de la judéité (que lon retrouve dans La Question Finkler), ses multiples entrées
On entre sans difficulté dans cette écriture fluide qui tout doucement entraîne le lecteur vers une douce folie ; les sujets abordés sont graves, mais le livre est drôle, dun humour au vitriol qui népargne rien ni personne, dune loufoquerie revigorante. Un auteur à découvrir ou à retrouver
Marie-Paule Caire ( Mis en ligne le 07/12/2012 ) Imprimer
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