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La laideur des castes
Karine Tuil   L’Invention de nos vies
Le Livre de Poche 2014 /  7.90 € - 51.75 ffr. / 495 pages
ISBN : 978-2-253-17945-0
FORMAT : 10,8 cm × 17,6 cm

Première publication en août 2013 (Grasset)
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«Le caractère trompeur de l’instinct. La part de manipulation qu’il recèle. La marge d’erreur. La rigidité de la réflexion, le poids de le raison, la tyrannie de la morale, la tentation du conformisme et de la répétition – ce qui nous fige. L’épreuve du choix. Ses risques. Ses dangers. Et pourtant il faut la passer». Ce passage se trouve au début du livre et tout est dit. L’intégralité de l’histoire tourne autour de ces phrases-phares qui enferment les héros tout au long de ce roman riche, multiple, qu’on lit d’une traite malgré sa longueur et parfois ses longueurs.

Nina vit avec Samuel, de façon modeste. Leur ami Samir s’occupe d’elle lors des obsèques de ses beaux-parents et l’amour-passion s’installe entre eux. Mais Nina choisit de quitter Samir après la tentative de suicide de Samuel. Vingt ans plus tard, fortuitement, ils redécouvrent leur ami, richissime avocat new-yorkais, à la une d’un grand journal et décident de le revoir. Il s’appelle désormais Sam et s’est inventé une vie juive, calquée sur celle de Samuel, qui lui a permis de faire un mariage doré et d’entrer dans la communauté séfarade américaine.

L’amour ancien n’est pas mort et leur vie bascule dans une situation loin d’être banale, qui se complique lorsqu’apparaît François, le demi-frère de Sam, musulman radical, prêt à la menace du chantage. Que vont peser tous ces mensonges face à l’intégrisme arabe et l’intégrisme juif ? Une partie des problèmes du monde est soulevée ici, les entraînements en Afghanistan, la discrimination, les banlieues, le monde clos des minorités riches et puissantes, la puissance des médias… Ce roman n’est pas une simple histoire d’amour, c’est aussi une réflexion sur la détermination, la honte, et une dénonciation des castes quelles qu’elles soient. L’écriture est habile, à la manière d’un roman policier ; les cartes sont battues et distribuées parcimonieusement, nous ne serons jamais totalement en possession de tous les éléments, il en arrive toujours, qui éclaircissent le raisonnement.

Karine Tuil écrit avec aisance et recherche. Elle est précise dans la description de la pensée, possède un vocabulaire étendu, n’hésitant d’ailleurs pas à multiplier les synonymes dans des tirades un peu proustiennes. Elle signe ici un roman puissant, à méditer, dont l’issue, pour tous les protagonistes, s’inscrit parfaitement au milieu de ces phrases prophétiques qu’elle a placées dès les premières pages.


Dany Venayre
( Mis en ligne le 12/09/2014 )
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