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Roman d’apprentissage
Javier Cercas   Les Lois de la frontière
Actes Sud - Lettres hispaniques 2014 /  23 € - 150.65 ffr. / 345 pages
ISBN : 978-2-330-02710-0
FORMAT : 14,6 cm × 24,0 cm

Elisabeth Beyer, Aleksandar Grujicic (Traducteurs)
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Journaliste et professeur de littérature espagnole à l’université de Gérone, Javier Cercas est un des auteurs espagnols les plus lus, traduit dans une vingtaine de pays, dont l’œuvre rencontre depuis 2001 et la parution de son roman Les Soldats de Salamine un large écho au point que des écrivains comme Mario Vargas Llosa ou bien Susan Sontag accompagnent la sortie de ses ouvrages (tous publiés en France chez Actes sud) avec enthousiasme et que George Steiner les décrit comme de futurs «classiques».

Les Lois de la frontière, publié en Espagne en 2012, entraîne le lecteur dans l’Espagne post franquiste, au temps de la transition démocratique, dans une Catalogne (Gérone) qui ne connaît pas encore la violence et la délinquance urbaines mais qui voit apparaître quelques bandes de jeunes défavorisés venus des quartiers périphériques. Dans le désœuvrement de l’été, Ignacio, adolescent issu de la classe moyenne, rencontre quelques-uns de ces jeunes loubards et s’intègre peu à peu à leur bande, fréquente les bars interlopes, s’essaie au cannabis, tombe amoureux de Tere, jeune fille sauvage, libre et follement séduisante, et participe à des délits dont la gravité ne va cesser d’augmenter jusqu’à ce que la police mette finalement la main sur certains d’entre eux, ou plutôt sur Zarco, leur chef charismatique, dont le long enfermement en prison ne fait alors que commencer.

Vingt ans plus tard, à la demande d’un écrivain voulant écrire sur Zarco dont le destin, à force de mémoires et de films, s’est transformé en légende, Ignacio, devenu l’avocat de son ancien camarade multirécidiviste, revient sur ce moment décisif de sa jeunesse où il a franchi de multiples frontières : celle qui séparait le petit bourgeois rangé de jeunes, pauvres, sans instruction et presque sans familles, qui lui paraissaient infiniment plus libres que lui, celle qui permit à l’adolescent peureux de s’essayer au sexe et à l’amour, au danger et aux paradis artificiels dans des transgressions difficilement concevables dans une époque encore marquée par le corset franquiste mais qui annoncent la movida.

Même si Ignacio raconte son combat et ses échecs pour, vingt après sa rencontre avec Zarco, le sortir de prison et le renvoyer au monde libre, c’est finalement sur l’été 1978 qu’il revient toujours, comme si percer les zones d’ombre de ces événements lui permettait de comprendre enfin l’orientation qu’a prise sa vie et la détresse profonde qui sourd parfois et submerge son existence. C’est donc le roman d’apprentissage d’un homme de 40 ans que Javier Cercas écrit superbement, en même temps que le portrait d’une jeunesse qui courut à l’abîme avant de sombrer dans la prison et la pauvreté.


Amélie Bruneau
( Mis en ligne le 24/01/2014 )
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