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Littérature -> Romans & Nouvelles |
| Julia Kerninon Buvard Rouergue - La Brune 2014 / 18.80 € - 123.14 ffr. / 200 pages ISBN : 978-2-8126-0616-8 FORMAT : 14,0 cm × 20,4 cm Imprimer
A quoi ressemblent les écrivains ? Sont-ils tous les mêmes ? Un grain de folie est-il nécessaire pour réussir une création littéraire ? Julia Kerninon, 27 ans, nous donne un élément de réponse imaginaire dans son premier roman Buvard, un petit livre brillant et passionnant.
A 17 ans, Caroline N. Spacek a connu très tôt la gloire avec un recueil de nouvelles, le succès ne sest ensuite pas démenti avec les romans suivants. Cest un écrivain reconnu et adulé. Elle vit maintenant seule à 39 ans, barricadée dans la campagne anglaise, dans le Devon, loin des mondanités et de lagitation. Isolée, elle écrit toujours.
Presque inexplicablement, elle accepte de rompre sa solitude en recevant Lou, un étudiant néerlandais et homosexuel qui lui a écrit une lettre par lintermédiaire de son éditeur, dans laquelle il lui avoue son immense admiration. Il a lu toute son uvre et ne sait pas encore quil publiera un livre avec toutes ces confidences enregistrées sur une cassette. Ils vont passer deux mois dun été torride ensemble, et Caroline va lui dire à quoi «ressemble un écrivain».
Leur enfance malheureuse et violente les rapproche. Lou absorbe la vie de Caroline comme un buvard absorbe lencre. Il sefface, lécoute se raconter, prêt à tout pour suspendre le temps, tout apprendre et comprendre delle. Il laisse sinstaller une intimité quil nosait espérer : «lui faire ouvrir les doigts, savoir ce quelle dissimulait au creux de sa paume». Progressivement, elle revient sur sa vie, raconte ses maris qui lont aimée passionnément mais qui nont pu lutter contre la littérature dont elle est possédée. Par petits bouts, elle laisse entrevoir son écriture, son uvre. «La littérature est un travail comme un autre. Cest un travail phénoménal et extraordinaire et je ne lai pas toujours fait aussi bien que jaurais voulu mais je peux dire que jai toujours essayé de mon mieux».
Elle revit son histoire depuis sa jeunesse pauvre et sans amour, sa rencontre avec Jude qui lemmène à Paris, à qui elle sert de secrétaire tout en lisant le dictionnaire avant de senfuir, virée par son Pygmalion à qui elle fait de lombre. Elle se met à écrire pour son propre compte et lélève dépasse le maître. Pendant ses discussions avec Lou, Caroline dissèque son travail et retrouve tous les sentiments, fougue, colère, désespoir qui lont animée tout au long de son uvre. Elle loue les seules vraies richesses à ses yeux, les livres, les mots, la lecture. Elle revient sur sa métamorphose grâce à la littérature aussi forte et combattante que fragile. La femme est terriblement attachante et lécrivain, fascinant : «où se trouvait la limite entre ses personnages et elle ? Est-ce que cétait plus épais quune feuille de papier ?».
Un premier roman parfaitement maîtrisé et construit, qui livre le portrait dune femme fière et fragile. Cest aussi une réflexion sur lécriture, la création, les douleurs et les choix qui laccompagnent, la recherche méticuleuse du mot parfait avec la solitude qui sinstalle inexorablement. La lumière caractérise ce premier roman de Julia Kerninon : «Dans ses livres tout était plausible mais dune violente intensité. On avait la sensation que la lumière était toujours aveuglante(
) ; tout paraissait arriver en accéléré(
) dune douleur éblouissante».
Eliane Mazerm ( Mis en ligne le 09/04/2014 ) Imprimer | | |
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