| Timur Vermes Il est de retour 10/18 - Domaine étranger 2015 / 8.10 € - 53.06 ffr. / 405 pages ISBN : 978-2-264-06651-0 FORMAT : 11,0 cm × 17,8 cm
Première publication française en mai 2014 (Belfond)
Pierre Deshusses (Traducteur) Imprimer
Un terrain vague quelque part en Allemagne. Un homme sy réveille, ne sachant pas comment il est arrivé là : cest Adolf Hitler.
Vêtu de son uniforme, il se déplace en direction de la ville voisine, ahuri de ce quil voit, de ce quil rencontre, analysant tout avec les réflexes de son époque. Cest ainsi que les casques des cyclistes lamènent à penser que les bombardements ont été puissants, jusquà bosseler du métal
Toute la première partie du roman est ainsi amusante de quiproquos divers et de considérations étonnées sur notre société qui lui semble partir à vau leau, que ce soit dans le domaine vestimentaire, dans lurbanisme, dans luniformité, dans le comportement, dans la politesse, dans la découverte des nouvelles technologies. Les questions quon lui pose entraînent une réponse décalée : une carte ne peut être que détat-major. Il découvre lanalyse du Reich dans les journaux et reprend point par point son raisonnement, qui lui paraît encore infaillible. Lécriture est drôle, le personnage représenté, comme ingénu mais décidé, la connaissance du parcours du Führer, remarquable. `
Autour de lui, on le prend pour un comédien, il est plus ou moins engagé pour une démonstration, dans laquelle il joue son propre rôle avec authenticité, virulence, et les gens du spectacle, pensant quil improvise, sont enthousiasmés par son talent. La machine médiatique semballe, la télévision lui ouvre ses portes et le discours devient plus politique, Hitler reprenant bien sûr ses antiennes, la conquête du monde, le tri aryen, la chasse des juifs et, par extension, de tous les immigrés «arabo-turc» ou autre : «Le Suédois est, avec le Suisse, la forme la plus abâtardie du Germain». Le succès est immédiat, et, grâce à Internet et les réseaux sociaux, il devient foudroyant.
La drôlerie sessouffle alors, il sagit maintenant de démontrer quelque chose, toujours par le biais du nazisme ; lécriture se fait pesante, lhumour moins apparent, le personnage plus déterminé. Et les premières victimes seront les médias, leur puissance, leur utilisation de mots sans réfléchir à leur pouvoir, leur égocentrisme, lutilisation quils font dautrui pour leur propre bénéfice, linfluence négative quils ont sur la façon de penser du public. La charge est lourde et le style aussi. Hitler, au milieu de tout cela, reste inchangé, il force le ton, tel quon se limagine, retrouve sa superbe dorateur ensorcelant, utilise cette informatique magique à ses propres fins : reconquérir son pays et lui rendre le «fanatisme dont il a besoin» pour remettre un peu dordre dans cette société délétère.
Il est clair que ce livre ouvre la porte à des interprétations politiques, selon ce quon veut démontrer, notamment dans le domaine de limmigration. Il peut aussi se lire comme une fable, remarquablement documentée, comme une satire dun monde dangereux, et il reste inachevé, Hitler continuant son ascension... On se demande quand même à la fin sil ny a pas une pointe de nostalgie, sous couvert dune moquerie qui se veut détachée, la dernière phrase étant : «Tout nétait pas mauvais»
Dany Venayre ( Mis en ligne le 26/10/2015 ) Imprimer | | |