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Littérature -> Romans & Nouvelles |
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Portrait de Joséphine en empereur romain | | | Philippe Séguy Journal de Joséphine B., impératrice Flammarion 2014 / 22 € - 144.1 ffr. / 455 pages ISBN : 978-2-08-130667-7 FORMAT : 15,2 cm × 24,0 cm Imprimer
Le roman historique est un genre beaucoup plus difficile quon ne pense généralement, car il exige de réunir des qualités réputées antagonistes : une imagination fertile et le goût dune reconstitution précise et fidèle. Il est malaisé de recréer dune façon crédible les lieux, les décors, les personnages, les actions et les sentiments dun autre temps. Dans tout cela, le plus périlleux est de faire parler hommes et femmes du passé. Chaque siècle, chaque génération, chaque milieu ont leurs murs, leur phraséologie, leurs idiotismes de pensée et de style, qui ne ressemblent ni à ceux qui les suivent ni à ceux qui les ont précédés.
Peu dauteurs, en France, ont réussi à emprunter dune façon convaincante la voix dune figure historique. Marguerite Yourcenar la réussi avec les Mémoires dHadrien, parce que la distance du temps et de la langue lui donnait une certaine liberté, et surtout parce que dans ce livre hors des séries le style dun grand écrivain rencontre et magnifie la pensée dun des héros de lAntiquité. Dans LAllée du roi, Françoise Chandernagor est parvenue à une réussite du même ordre par des moyens différents. Au prix dune documentation étourdissante, son style sest fondu dans celui des mémorialistes du XVIIe siècle au point de séduire les historiens eux-mêmes, et la Madame de Maintenon de LAllée du roi est presque plus réelle que celle de lhistoire.
Malheureusement, Joséphine de Beauharnais nest ni lempereur Hadrien ni lépouse morganatique de Louis XIV, et Philippe Séguy nest ni Marguerite Yourcenar, ni Françoise Chandernagor. Il natteint ni les bonheurs de style de la première, ni lérudition de la seconde. Inquiétant symptôme : le connaisseur de lépoque révolutionnaire et impériale relève une erreur ou une inexactitude presque à chaque page. Lauteur désigne Talleyrand comme prince de Bénévent en 1800
quatre ans avant lEmpire, six ans avant que le ministre ait reçu ce titre (p.177). Il confond le duc dOrléans et le duc de Chartres (p.183) ; le jour de lattentat de la rue Saint-Nicaise, Bonaparte et Joséphine ne vont pas écouter un oratorio de Haendel, mais La Création de Haydn (p.190) ; le jour du sacre, le pape dit Vivat Imperator in aeternum et non in aeternam (p.263). Aucun cliché historique ne nous est épargné les orgies de Barras, la maréchale Lefebvre parlant comme un charretier et jusquaux situations les plus abracadabrantes, comme le même Barras emmenant Joséphine au Temple pour y prendre soin du petit Louis XVII ! Certaines phrases font rire tant elles sonnent de manière anachronique : Joséphine naurait pas écrit le 24 décembre 1812 «Je ne veux rien de spécial pour Noël», mais plutôt «Je ne désire pour les fêtes de Noël aucune festivité particulière».
Bien plus grave que ces erreurs de détail est la fausseté générale du tableau. La Joséphine B. de Philippe Séguy ressemble un peu à la Danièle Lebrun de la série télévisée Joséphine ou la comédie des ambitions, mais nullement à la véritable Joséphine, créole insouciante et dépensière dont la vie se consommait au milieu des articles de mode et du papotage des dames dhonneur.
Plutôt que de faire poser une Joséphine imaginaire dans la lucidité rétrospective et compassée dun empereur romain ou dune épouse du Roi-Soleil, il aurait fallu faire sentir le charme propre de cette femme bienveillante et immorale, aimable et aimée
et qui de sa vie naurait eu lidée saugrenue de tenir un journal...
Thierry Sarmant ( Mis en ligne le 02/07/2014 ) Imprimer | | |
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