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Déliquescence
John King   White Trash
Seuil - Points 2016 /  7,95 € - 52.07 ffr. / 408 pages
ISBN : 978-2-7578-5292-7
FORMAT : 10,8 cm × 17,8 cm

Première publication française en août 2014 (Au Diable Vauvert)

Clémence Sebag (Traducteur)

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Un hôpital de banlieue dans l’Angleterre contemporaine constitue un bon résumé des années Thatcher et Blair. Il y a là des moyens… humains, c’est-à-dire des gens, médecins et infirmières, qui se dévouent dans un contexte où la logique économique grignote constamment la logique médicale. Autant dire que pour soigner, pour aider, il faut la vocation, du temps, une vrai foi chevillée au corps, un certain désintérêt pour le confort matériel, et une solide dose de bonne humeur.

Tout cela, l’infirmière Ruby James l’a, ô combien : les mauvaises langues lui reprocheront peut-être un petit penchant pour la fête, quelques pétards et son goût pour les musiques actuelles… rien de bien méchant. Ruby James est une infirmière efficace, humaine, et elle jette sur son univers un regard attendri. Pas loin, il y a Mr Jeffreys, un consultant, chargé de réduire les coûts de l’hôpital public : pas un mauvais bougre non plus, toujours poli, prévenant, souriant, discret, toujours un mot gentil… Mais lui vit sur une autre planète : hôtel luxueux de centre ville, oxbridgien pur jus, célibataire assumé, vacances exotiques, logique comptable tempérée par un humanisme de bon aloi. Mr Jeffreys est très «service public» certes, mais dans son regard, l’humanité anglaise – du moins celle qui fréquente l’hôpital en question – se résume à des voyous, des drogués, des alcooliques, des allumeuses ou des paumés… une humanité décadente, corrompue qu’il craint et refuse de côtoyer. Mr Jeffreys travaille la nuit pour ne pas voir le monde, et quand il le voit, au hasard d’une rencontre ou d’un regard, c’est pour l’observer avec un mélange de mépris et de commisération… inquiétants. L’infirmière James et Mr Jeffreys incarnent les deux réalités de cet hôpital… dont on va, peu à peu découvrir les fantômes.

Après un Skinheads très réussi, John King revient avec un excellent roman hospitalier : du social et du lourd, certes, le choc entre une upper class anglaise déconnectée et une Angleterre populaire qui rame. Le roman se dévore d’une traite, organisé selon une méthode simple : d’un chapitre à l’autre, on passe du point de vue de l’infirmière Ruby James à celui de Mr Jeffreys ; deux mondes, ou plutôt un seul, considéré par deux personnages aux antipodes, qui se côtoient sans trop se voir. La recette est efficace et, rapidement, on apprécie ce va et vient entre l’univers de la jeune nurse - ses copines, ses fous rires, ses problèmes avec sa mère, ses sorties, ses coups de cœur, ses malades - et celui du cost killer –, une Angleterre gangrenée par l’alcool, la violence, la drogue et la malbouffe, abandonnée par la raison et le savoir-vivre.

On se dit même que ces deux Angleterre pourraient cohabiter, apprendre à se connaître, se découvrir… jusqu’au final, apocalyptique. John King s’amuse à se glisser dans la peau de ses personnages, à passer aussi quelques allusions à son roman précédent (et à sa compagnie de taxis dirigée par des skinheads). Plus encore, il joue des stéréotypes pour fausser les regards : on admire Ruby James pour sa personnalité, on compatit avec Mr Jeffreys et ses difficultés humaines… puis le décor s’efface et, dans le second tiers de l’ouvrage, on bascule dans une autre réalité, ou plutôt on découvre l’envers du décor, comme une immense parodie de cette logique comptable qui détruit le concept même d’hôpital.

Un bon roman, donc, par un auteur décidément solide, efficace, grinçant mais jamais cynique, drôle mais jamais ironique ou méchant, et dont le talent de peintre social est, une fois de plus, éclatant. Le tout dans une traduction dont il faut saluer le rythme et la capacité à rendre un contexte, une ambiance, un phrasé même.

Un auteur qui reste à suivre et à guetter.


Gilles Ferragu
( Mis en ligne le 20/06/2016 )
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