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Littérature -> Romans & Nouvelles |
| Peter Schneider Les Amours de ma mère Grasset 2015 / 20 € - 131 ffr. / 270 pages ISBN : 978-2-246-80903-6 FORMAT : 14,0 cm × 20,5 cm
Nicole Casanova (Traducteur) Imprimer
Né à Lubeck en 1940, militant engagé en 1968, romancier (Le Sauteur de murs
Lenz, entre autres) et scénariste, Peter Schneider revient dans ce texte autobiographique, admirablement servi par la belle traduction de Nicole Casanova, sur son enfance dans une Allemagne en guerre, ou plus exactement sur létonnante figure de sa mère. «Pendant des décennies, il y eut parmi mes affaires un carton à chaussures que jemportais dans tous les déménagements». Dans ce carton : des lettres de sa mère. «Ce qui me mena finalement à déchiffrer les lettres, ce fut la circonstance quaprès trente ans de vie familiale et le départ des enfants, javais quitté la demeure commune et que jétais seul avec le carton à chaussures».
Seul avec «le carton à chaussures», aidé par une amie, Peter Schneider déchiffre les lettres, il les déchiffre dans les deux sens du terme : il les ramène à la vie en les transcrivant (ou plus exactement son amie fait lessentiel du travail de transcription), et en les lisant il déchiffre/décrypte la personnalité de sa mère, la confronte avec ses souvenirs denfant, et le récit familial.
Si le personnage de la mère qui meurt très jeune alors que le narrateur na que 8 ans - est central, le récit est aussi celui dune enfance pendant la guerre, avec ses jeux, ses amitiés (le sulfureux Willie), la fratrie rassurante. Certes, limage réconfortante dune mère vouée à ses enfants, et à ses enfants seulement, vole en éclats à la lecture de ces lettres mais celles-ci révèlent une femme étonnamment libre dans le contexte de lépoque, qui se tient droite, fidèle à son idéal et au refus de toutes compromissions. Une femme qui jamais nabdique et qui toujours écrit, dans les pires circonstances
On ne saura quà la fin comment les lettres ont été rassemblées.
Entrecoupé des citations des lettres qui font entendre la voix de la mère, Peter Schneider décrit un personnage étonnant de femme forte dans toute la faiblesse assumée de sa féminité : fille cadette dun père qui ne jure que par son fils et méprise sa fille et le choix quelle fait de son époux - un musicien -, méprisée par sa belle-mère qui voit en elle une hystérique adultère à qui on ne devrait pas confier ses enfants, mal aimée par lamant à qui elle voue sa vie, et comprise peut-être seulement de son mari à qui elle ne cache rien et de son dernier amant. Souvent malade, de maladies féminines, mais douée dune énergie peu commune ; indomptable, elle traverse la guerre en gardant auprès delle ses quatre enfants, en mobilisant tous les moyens pour assurer leur survie précaire. Contre lavis de tous, et surtout de la terrible belle-mère, elle décide de fuir Dresde pour la Bavière et les lignes américaines ; sans doute vit-elle des moments de découragement mais, alors, ses enfants nen savent rien.
Une Mère Courage donc et, en même temps, une épouse adultère - absolument scandaleuse dans lAllemagne des années 1940 - qui assume pleinement cette situation, éperdument amoureuse dAndreas, un ami de son mari, Heinrich. Heinrich est chef dorchestre et compositeur (mais il ne connaîtra jamais le succès), Andréas, metteur en scène à la carrière brillante après la guerre. Lun et lautre, le fils le découvre tardivement, poursuivront leurs activités musicales pendant la guerre sous le régime nazi
Lun et lautre seront enrôlés dans larmée en novembre 1944, Andréas étant finalement réformé. Dans son errance, la mère est brièvement logée à Bayreuth par Winifred Wagner, soutien affiché du régime
Des pages noires, occultées par la suite et que Peter Schneider découvre sur le tard.
Un beau portrait de femme sur fond de guerre vécue du côté allemand.
Marie-Paule Caire ( Mis en ligne le 22/04/2015 ) Imprimer | | |
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