| Ernest J. Gaines L’Homme qui fouettait les enfants Liana Levi 2016 / 12 € - 78.6 ffr. / 110 pages ISBN : 978-2-86746-845-2 FORMAT : 14,2 cm × 21,2 cm
Michelle Herpe-Voslinsky (Traducteur) Imprimer
Ernest J. Gaines, afro-américain né en 1933 dans une plantation, travaille, dès lâge de neuf ans pour glaner quelques cents. Il découvre la lecture à quinze ans. Plus tard, il bâtit une uvre pour faire connaître la condition des noirs pauvres du Sud des USA. Son plus grand succès est Dites-leur que je suis un homme en 1993.
Il nous revient avec un court roman très puissant qui nous transporte dans une petite ville, Bayonne, près de Bâton Rouge, dans les années 50, un récit datmosphère qui évoque les problèmes des noirs-américains, toujours dactualité. Brady Sims, vieil homme noir, vient dabattre son fils en plein tribunal, juste après la sentence qui le condamnait à la chaise électrique pour braquage et meurtre. Brady demande au shérif de lui laisser deux heures.
Le narrateur, un jeune journaliste au Bayonne Journal, noir lui aussi, est chargé par son rédacteur en chef de couvrir cette affaire avec un article qui donnera une épaisseur humaine à ce drame. Il se rend chez le coiffeur et écoute pendant plusieurs heures les anciens qui savent tout sur tout et passent leur temps à radoter les anciennes histoires expliquant le présent. Il faut sentir le pays et ses humeurs, se méfier des apparences.
Dans cette petite ville il est vital déviter aux jeunes un séjour dans la terrible prison dAngola. Il nen sort que des épaves, abruties par les sévices, incapables de redevenir dhonnêtes citoyens. Comme personne ne peut tenir les adolescents turbulents, Brady Sims, qui est un membre important de la communauté, supplée les parents et fouette les jeunes les plus violents. Cest un dur, un homme droit et solide, rigoureux, Il a juré quaucun de ses garçons nirait à Angola. Les parents lui demandent détendre son serment à toute la jeunesse locale. Il va jusquau bout de ses certitudes, sa loyauté est portée par un fouet tressé. Les clients du barbier ont des souvenirs danecdotes savoureuses sur celui qui, homme de couleur, navait pas droit en lerreur.
Cest ici quil faut creuser, ressentir lintenable position dune communauté amoindrie, déconsidérée par les blancs et qui doit toujours prouver son innocence, spontanément accusée de tous les maux de la société. Ernest J. Gaines a pétri son récit dhumanité, construit des vies de ces vieux déshérités abandonnés sur une terre qui na plus besoin deux, encombrés dune jeunesse sans avenir, ni modèle parental. Un grand roman du Sud, qui sent la poussière des terres sèches, le blues et la mélancolie, servi par une langue remarquable, imagée, riche des mots de pauvres racontant la misère et linjustice.
Eliane Mazerm ( Mis en ligne le 18/11/2016 ) Imprimer | | |