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| Littérature -> Romans & Nouvelles |
| Inge Schilperoord La Tanche
Belfond 2017 / 21 € - 137.55 ffr. / 220 pages
ISBN : 978-2-7144-7390-5
FORMAT : 14,2 cm × 22,6 cm
Isabelle Rosselin (Traducteur)
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Inge Schilperoord est psychologue judiciaire ; elle mène des entretiens auprès d’individus accusés de toutes sortes de crimes pour en tirer des rapports d’évaluation transmis aux tribunaux. Un de ses patients lui a inspiré ce roman poignant, la douloureuse histoire de Jonathan, trentenaire sorti de prison à la faveur de preuves trop faibles concernant le viol d'une fillette.
Dans le bus qui le ramène chez sa mère, une femme asthmatique et âgée vivant dans une banlieue misérable d’Amsterdam, un quartier qui va être démoli, il se promet de bien se comporter, encore marqué par les recommandations de son psychologue : ce n’est pas lui qui est mauvais, ce sont ses actes. Il suit donc une série de conseils thérapeutiques pour se reconstruire positivement et éviter la récidive. Il est victime de distorsions cognitives, de mauvaises pensées qu’il doit éradiquer au prix d'un travail mental et physique sur lui-même, dans le respect du programme. Mais c’est si dur de lutter... surtout dans cet isolement étriqué, ce quotidien solitaire. On lui a dit qu’il y a 90% de récidive dans son cas, d’autant que dans sa cour, une fillette livrée à elle-même passe ses journées seule, sa mère travaillant dans un bar....
Elke représente ainsi la tentation et rend plus difficile le processus de réhabilitation de Jonathan. La fillette aime les animaux et vient souvent chez lui pour voir le vieux chien et une tanche que le jeune homme a pêchée et qui s’étiole lentement dans l’aquarium. Jonathan oscille sans cesse entre ses pulsions malsaines et la volonté de les anéantir, d’en finir avec elles, de montrer à sa mère et à la société qu’il n’est plus un pédophile, qu’il est capable de s’en sortir. Il sait très bien qu’il doit fixer lui-même ses limites. «Tu m’aides avec le poisson et le chien, lui disait-il mentalement. Je t’aide en te servant à manger et en te tenant compagnie. Elle le comprenait. Et lui la comprenait. Cela pouvait bien se passer. C’était différent de la fois précédente. Il était capable de gérer cette situation».
Grâce à l’organisation méthodique de ses journées - promener le chien, travailler à l’usine de poisson, préparer le dîner - Jonathan peut faire attention à ne pas être débordé. Mais cette rigueur artificielle et imposée n’est-elle pas surtout le signe de son mal être ? Ce quotidien calibré sur des rituels lui évite-t-il d’avoir de mauvaises pensées ?...
L’auteur traite le tabou de la pédophilie en interpellant le lecteur pour lui faire comprendre le processus insidieux de la névrose. Le récit est à prenant, dense quoique assez lent et vers la fin devient très angoissant ; l’atmosphère moite, la chaleur exaspérante dans une maison très délabrée perturbe. Jonathan est enfermé dans son cerveau malade comme la tanche qui se meurt derrière les parois de verre. «Il devait apprendre à être plus conscient de ce qu’il ressentait, tirer la sonnette d’alarme plus tôt, apprendre à déchiffrer son corps. Ensemble, ils allaient mettre au point un schéma d’alerte».
Un roman nécessaire, qui tiendra le lecteur en haleine jusqu’à la dernière page.
Eliane Mazerm
( Mis en ligne le 16/10/2017 )
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