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Au royaume de l’équivoque
Etgar Keret   La Colo de Kneller
Actes Sud 2001 /  12.02 € - 78.73 ffr. / 96 pages
ISBN : 2742735488
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Dans "Le Voyage", Baudelaire célébrait la mort comme la grande libératrice, celle qui faisant souffler le vent saisissant et inouï de la nouveauté, venait arracher le poète spleenétique aux affres de l’Ennui. Les lecteurs des Fleurs du mal s’en souviennent cependant : le poète reconnaissait ailleurs que la mort n’était peut-être que l’enfer des morts-vivants qui, depuis leur tombe, observaient envieusement festoyer les vivants.

Etgar Keret se range plutôt à cette hypothèse. Pour son premier roman, le jeune écrivain israélien imagine un monde où le suicide est devenue monnaie courante. On se retrouve en famille, entre amis ou entre amants, tant est grande la légion des suicidés. Mais le franchissement du miroir, loin d’ouvrir à un Ailleurs incommensurable, plonge ironiquement ces êtres dans un univers qui ressemble à s’y méprendre au monde qu’ils viennent de quitter.

Où qu'ils aillent, ils se retrouvent confrontés à la même mesquinerie, aux mêmes travers, à la même absence de perspective - bref, à la même existence dérisoire et désœuvrée. "Au lieu d’en finir, vous auriez dû aller en Californie", braille un personnage. Les cafés, humour noir oblige, s’appellent Kamikaze ou Mort Subite. Qu’ils se nomment Hayim, Ari, Ra’anan (lequel a mis fin à ses jours parce que son équipe de base-ball préférée avait perdu son match) ou Kneller, les personnages d’Etgar Keret ne sont pas sans rappeler les héros gouailleurs de Salinger - un Holden Caulfield qui aurait vieilli. On croise aussi dans ces pages le fantôme de Kurt Cobain ("l’ancien chanteur de Nirvana (...) mais en fait le mec gonflant au possible") ; le rocker larmoyant rejoignant ici la figure du gourou illuminé, les derniers relents de l’utopie contre-culturelle et de l’idéologie New Age tristement relayés par les délires sectaires à la Heaven’s Gate.

Lavis sur lequel se détachent des silhouettes fantomatiques, l’univers décrit par Etgar Keret est cet improbable entre-deux où la vie ressemble à la mort et a peut-être pour vrai nom l’enfer. Comme s’il s’agissait de sauver une once de romantisme dans sa fiction désabusée, le héros, Hayim, est à la recherche d’Erga, qu’il aimait de son vivant et dont il apprend qu’elle l’a suivi dans la mort. La fable d’Etgar Keret n’est pas sans poser de questions : allégorie d’une génération perdue, celle des jeunes Israéliens d’aujourd’hui ? Satire pleine d’humour du vide de la civilisation, incapable de vivre de même qu’elle est incapable d’idéal ? C’est la force de ces textes simples et nus de ne jamais se laisser enfermer par le sens mais, au contraire, de le relancer sans cesse.


Thomas Regnier
( Mis en ligne le 20/12/2001 )
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