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Errance Nostalgique
Vladimir Nabokov   Nouvelles
Robert Laffont - Pavillons 1999 /  30.38 € - 198.99 ffr. / 778 pages
ISBN : 2-221-09053-5
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Flaubert, dans une de ses lettres et à propos d'une scène de Madame Bovary, parle de la difficulté qu'il y a à peindre couleur sur couleur. C'est, d'une certaine façon ce que Nabokov a essayé de faire en déformant ses propres expériences pour concevoir ses nouvelles tant celles-ci semblent quasi-autobiographiques. Car l'un des motifs récurrents de ces récits est le souvenir nostalgique d'un passé à jamais perdu ou bien plutôt toujours vivace.

Qu'il s'agisse de Premier Amour, évocation tendre de ses amours enfantines à Biarritz, (on retrouve ici l'amour sépia que vouait Nabokov aux trains tels que le Nord-Express reliant Saint Petersbourg à Paris), ou de Mademoiselle O, peinture à la fois tendre et féroce de sa gouvernante (mais a-t-elle vraiment vécu ou est-elle bien réelle tout simplement parce que, comme il le confesse lui-même, "il l'a créée" ?), Nabokov semble avoir du mal à prendre congé de son enfance et s'obstine à en réinventer les paysages. Ce qui n'est pas le moindre des paradoxes pour un écrivain qui n'appréciait pas vraiment Platon ("Platon, couchez, bon chien !"). En effet, la réminiscence semble être le noyau de nouvelles telles que Le Cercle, Le temps ou le reflux qui réverbèrent souvenirs et émotions de son enfance russe, berlinoise ou américaine tels des récits renversés, des plaques négatives.

Arpenteur du passé donc, que ce Nabokov tentant sans relâche de "conserver ces taches de lumière irisée qui volettent à travers sa mémoire". Mais aussi chantre des tourments de l'exil ("personne de notre tribu n'est resté dans notre vieille Russie. Certains se sont évaporés comme le brouillard, d'autres sont partis cheminer à travers le monde...") comme dans cette nouvelle tolkiennienne intitulée Le Lutin où la nostalgie "n'est que la respiration régulière du dormeur".

Mais si Nabokov doit beaucoup de ses métaphores et de ses associations sensuelles au paysage du nord de la Russie, dans des textes à l'impressionnisme poétique (Bruits ou encore Dieux), la lecture de certaines de ses nouvelles ravive le mépris affiché qu'il a éprouvé pour la férocité soviétique des tyrans, des tortionnaires qui ne parviendront jamais à dissimuler leurs vrais visages. Ainsi, dans Ici on parle russe, la maison Russie s'apparente à un modeste bar-tabac potemkine à l'arrière boutique duquel on séquestre un membre de la Guépéou, charge féroce contre la nature humaine où les ravisseurs politiques deviennent les séquestrés ! Structure en miroir déformant où l'aspect clownesque vire à la cruauté tranquille.

Récits sur l'envoûtement du passé, Nouvelles recèle des textes où transparaît le souffle de l'onirisme ("Dans ta chambre brumeuse, transperçant les stores baissés, le soleil s'étirait en deux échelles d'or"), dans une écriture précieuse mais sans afféteries, ciselée autour de phrases aux entrelacs euphoniques et chromatiques. Témoin ce passage tiré de Bruits : "Après avoir délaissé les albums qui étaient sur la table telles des tombes de velours, je te regardai, j'écoutai la fugue, la pluie, et un sentiment de fraîcheur monta en moi, comme la senteur des oeillets mouillés (je) percevais le lien musical entre les spectres d'argent de la pluie et tes épaules baissées qui tressaillaient lorsque tu enfonçais tes doigts dans le miroitement mouvant".

Poésie sensorielle et visuelle qui culmine dans cette oeuvre inachevée qu'est Ultima Thulé où Nabokov a recours à un monologue aux accents joyciens évoquant une île imaginaire, simple distraction (ce mot devant être quasiment pris au sens shakespearien de "folie") pour étancher le chagrin du narrateur qui a perdu sa femme. Distraction qui se changera peu à peu en une véritable obsession artistique, le veuf s'immergeant à tel point dans Thulé que cette île commence de prendre réalité. Frêle passerelle onirique reliant deux êtres qui ne cesseront de s'aimer par delà les nuages. On l'aura compris, ces Nouvelles offrent au lecteur des textes où la lucidité de pensée se mêle au doux bruissement de la poésie.


Steven Barris
( Mis en ligne le 12/11/1999 )
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