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Le blues des baby boomers
Tim O'Brien   Juillet, juillet
Flammarion 2004 /  21 € - 137.55 ffr. / 360 pages
ISBN : 2-08-068431-0
FORMAT : 15x22 cm
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Ils ont cinquante ans et ces quelques années en plus qui font toute la différence, comme l’auteur né en 1946 ; ils ont rêvé de paix sur fond de musique planante, ils sont les enfants de l’Amérique triomphante des années 60, des verts campus mais aussi de la guerre du Vietnam. Pris entre leurs ambitions, leurs espoirs et une réalité qui les a rattrapés : les anciens de la promotion 69 se retrouvent en juillet 2000 pour l’habituelle réunion, moment obligé de la sociabilité américaine. Tous ne sont pas présents ; deux morts, en particulier, manquent à l’appel : la solitaire Karen et le dentiste Hammon dont on ne saura pas grand-chose.

Dans un huis-clos éprouvant, au cours d’un week-end, ils reprennent le fil de leurs vies, rejouent les amitiés, les passions, les haines qu’ils éprouvaient trente ans auparavant, lorsqu’ils étaient jeunes et certains que le monde leur appartenait. La cinquantaine : l’heure des bilans, la difficulté de tricher sous le regard des autres et le sien propre. L’une des dernières séquences du livre est d’ailleurs la description d’un pathétique jeu de la vérité auquel les personnages acceptent de se livrer, sans doute moins pour s’exhiber devant leurs amis que pour répondre à leurs propres questions et angoisses. Qu’avons-nous/qu’as-tu fait de la vie : tel est le fil directeur du roman, question autant posée aux héros, qu’aux Etats-Unis. Qu’avons-nous fait du «rêve américain», se demande Tim O’Brien et la question collective rejoint ici la réponse individuelle.

L'auteur déroule sous nos yeux une «comédie humaine» des années 1970/2000, dont tous les personnages sont issus des classes moyennes américaines. Selon les normes sociales, beaucoup ont réussi : enrichis par divers moyens, un mariage heureux avec un cadre intelligent, une entreprise prospère de balais à franges. D’autres ont réussi à maintenir les provocations de leur adolescence : telle Spook Spinelli et ses deux maris «officiels» et reconnus ; Paulette, l’étudiante dont chacun enviait la silhouette, demeure une quinquagénaire svelte devenue pasteur comme elle le voulait trente ans plus tôt.

Cependant la réalité est autre. Derrière les apparences, Tim O’Brien dresse un constat dévastateur : tous ont échoué. Échoué à devenir les adultes libérés et généreux qu’ils imaginaient. Le politique n’est pas en cause, malgré la guerre du Vietnam, récurrente, qui a marqué au fer rouge deux des protagonistes : David, qui y a perdu sa jambe et sa confiance en la vie, et Billy, qui, en allant au bout de ses engagements, déserteur au Canada, a perdu la femme qu’il aimait et son pays. Qu’il ait fait fortune, fondé une famille et gardé son honneur en allant au bout de ses choix, que cette femme Dorothy se révèle inconsistante, ne le console pas pour autant dans la confrontation qui les oppose en juillet 2000. Les femmes tiennent une place centrale dans le roman : mariées, divorcées, seules ou trop accompagnées, insatisfaites, la description est impitoyable ; le lecteur suit leurs histoires à travers les confidences qu’elles se font, en les éclairant de scènes tirées de leur jeunesse. Alcool, cancer et drogue servent de toile de fond.

Dans ce roman d’une génération, Tim O’Brien nous dit de façon amère, sans tendresse, les fragilités de la génération du baby-boom, cette génération que l’on présente volontiers comme une génération de gagnants, «inoxydable». Gagnante sans doute… mais à quel prix ? Et, de toute façon, gagnant ou perdant, la vie passe, les rides surviennent et l’obésité et le désarroi des corps. L'auteur décrit ainsi ces défaites minuscules, accumulées, qui deviennent un vaste désastre. Et pourtant ce roman de la médiocrité annoncée est plutôt drôle, même si tant d’échecs peuvent lasser.

Chacun le lira différemment selon son âge : les plus jeunes y verront une description au vitriol de la classe moyenne américaine et des échecs des quinquas qui avaient cru si fort changer le monde lorsqu’ils avaient 20 ans ; les quinquas y liront une version de leur histoire. On dit volontiers que le roman américain est celui de la route, des ouvertures, des espaces : ici on est plutôt dans l’impasse programmée et explorée méticuleusement.


Marie-Paule Caire
( Mis en ligne le 01/10/2004 )
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