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Y’en a pas un sur cent, et pourtant ils existent…
Victor Barrucand   Avec le feu
Phébus - D'aujourd'hui 2005 /  16.50 € - 108.08 ffr. / 204 pages
ISBN : 2-7529-0050-3
FORMAT : 14 x 21 cm
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On ne louera sans doute jamais assez le travail de redécouvertes et d’exhumations mené par les Editions Phébus, offrant aux esprits curieux de relire des auteurs rares, méconnus,s oubliés ou ingratement traités par leurs contemporains. Des Wyndham Lewis, des Paul Leppin, des Matthieu Terence…

Avec Victor Barrucand, c’est un nouveau « cas » qui vient s’ajouter à cette galerie pourtant déjà bien étoffée en énergumènes. Son Avec le feu, discrètement paru en 1900, est bien l’un de ces classiques injustement oubliés, un véritable joyau de la littérature anarchiste, dans la lignée des Enragés de la Belle Époque.

Victor Barrucand fréquenta durant la dernière - et si explosive - décennie du XIXe quelques grands artistes et écrivains libertaires, à commencer par Félix Fénéon, mais également le peintre Signac et le compositeur Chausson. Son talent sera également reconnu par Stéphane Mallarmé, dont on connaît les discrètes sympathies pour les ralliés du drapeau noir… Fervent dreyfusard et pourfendeur acerbe de l’antisémitisme, Barrucand s’installera définitivement à Alger en 1900. Il y rachètera le journal L’Akhbar, qu’il transformera en tribune bilingue et grâce auquel il poursuivra une campagne politique et sociale en faveur de l’assimilation des colonisés… Il sera l’ami du Général Lyautey et le cicérone de Gide, Barrès ou Rilke lors de certaines de leurs escapades orientales. Barrucand mourra en mars 1934, dans un faubourg algérois, et sera honoré par des funérailles nationales ! Parcours atypique donc, d’un esthète et d’un intellectuel (si tant est que ces deux qualificatifs puissent faire bon ménage) farouchement indépendant.

Avec le feu ne trahit pas ce portrait : c’est le livre d’un homme au ton libre, au style énergique, assoiffé de beauté autant que de liberté. L’action du roman se déroule en 1894, à l’époque où Paris vivait les derniers assauts de cette vague d’attentats anarchistes perpétrés depuis deux ans par des individus aussi idéalistes que désespérés ; plus précisément encore dans le contexte du procès de Auguste Vaillant, cet anarchiste accusé d’avoir lancé une bombe à clous sur des Députés depuis la tribune de la Chambre et qui ne fera en définitive que quelques blessés… Prétendant vouloir venger son prédécesseur Ravachol, Vaillant se verra condamné à mort et sa grâce sera rejetée par le Président Sadi-Carnot. Décapité «pour l’exemple» en somme, il deviendra le premier guillotiné de France à ne pas avoir eu de mort d’homme sur la conscience. Ce triste privilège assura néanmoins la défense de sa mémoire auprès de nombreux libertaires, jugeant la décision présidentielle par trop cruelle ; l’affaire suscita de nombreux mais trop éphémères mouvements de contestation.

Le protagoniste principal du roman de Barrucand, Brandal, et ses amis, font partie de ceux que cette mise à mort révolte. Cependant, tiraillé par l'éternel dilemme de l’anarchisme entre la défense farouche de la liberté individuelle et la prise de conscience révolutionnaire et collective, le trio n’aboutira guère qu’à la critique radicale du système bourgeois et de sa justice inhumaine, sans pour autant jamais passer à l’action. Après avoir échoué dans sa tentative de séduction une jeune fille, dans le but de l’épouser et s’établir, Brandal mènera dans le Sud de la France une vie errante et solitaire dont l’issue fait de moins en moins de doute au fil des pages…

Avec le feu se lit avec d’autant plus d’enthousiasme et de délectation que Victor Barrucand y a déployé un art consommé du dialogue, toujours nerveux et bondissant, et une causticité digne du meilleur Darien. Les premières lignes, plongeant le lecteur dans les couloirs du Palais de Justice où se déroule le procès de Vaillant, valent à elles seules le détour : "Le 5 janvier 1894, les couloirs du Palais étaient mal fréquentés. On y croisait seulement des gardiens à tricorne, philosophes hermétiques, des magistrats boutonnés à la lèvre molle, des avoués à serviettes soufflées de procédures, des agents de police et des gens de loi, des sans–asile, des modistes égarées et quelques rhéteurs suffisants dont les pantalons à la crotte dépassaient la robe cléricale. Près des bouches de chaleur, des faces louches s’effaçaient. Une tristesse monastique tombait des murailles de pierre blanche lourdes et froides comme l’idée de justice. (…)"

Et l’incendie de courir ainsi sur près de 200 pages ! Pyromanes, à vos soufflets…


Frédéric Saenen
( Mis en ligne le 11/03/2005 )
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