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Hamlet en famille
John Updike   Gertrude et Claudius
Seuil - Cadre vert 2004 /  19 € - 124.45 ffr. / 231 pages
ISBN : 2-02-041276-4
FORMAT : 15x22 cm
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To be or not to be… S’il y a une réplique classique répétée jusqu’à la nausée, c’est bien celle du monologue d’Hamlet. Au point d’effacer le drame même au profit d’un poncif constamment repris, tarte à la crème des dissertations. Qui se soucie encore des embarras du pauvre prince du Danemark ? Il est temps de reprendre le chemin d’Elseneur… Rouvrant le dossier «Hamlet» là où Shakespeare l’avait laissé, John Updike entreprend un léger retour en arrière pour comprendre les dessous de la tragédie familiale des rois d’Elseneur. Si Hamlet a su émouvoir son public depuis des siècles, il faut toutefois envisager l’histoire de son auguste mère, Gerutha (Gertrude)… car il y a des circonstances atténuantes dans un procès un peu hâtivement mené par Shakespeare.

Qu’on en juge. Celle-ci, princesse héritière de la couronne danoise, est mariée jeune et plus ou moins contre son gré à Horwendil, un guerrier puissant et sans originalité, «beau et con à la fois» comme dirait Brel. A 16 ans, elle sait déjà ce qu’est la raison d’Etat. Mais voilà, la jeune fille, passé un temps de résignation, se lasse de ce mari sans grâces, qui n’a pas su (ou pu) lui donner d’autres enfants que Hamlet. Ce dernier, en effet, est bien loin de la crise d’Œdipe et les relations mère/fils sont déjà douloureuses. Le tout dans les paysages enneigés et froids où la seule distraction est la chasse… l’ennui menace. Et puis arrive le beau-frère, Feng (futur roi Claudius), séduisant, subtil, un parfum d’aventures et de voyage… tellement plus sensible, tellement plus attirant. Un jeu de séduction se met en place, subtil, lent mais irrésistible. Entre les deux amants, il ne reste plus qu’un mari, et un trône… Bref, le drame se noue d’une manière fort classique, mais les méchants ne sont pas ceux que le dramaturge anglais nous a désignés. L’amour se passe parfois de morale et Gerutha découvre avant la lettre ce droit au bonheur dont on parlera quelques siècles plus tard. Il y a du dilemme à l’horizon, mais d’ici là, jouissons sans entraves !

Voilà une vieille marmite bien réemployée (comme quoi, les adages…) ! Le style est aussi original que le procédé, Updike ayant cherché à restituer une version contemporaine du tragique shakespearien : langage recherché sans être précieux (mais non sans une sensualité toute contemporaine par moments), formules ciselées, personnages complexes, qui ne sont pas figés dans un déterminisme étroit (la morale chrétienne, le sacrement du mariage, le sentiment fraternel…), décors discrets mais raffinés (les descriptions des pièces d’orfèvrerie ou encore des architectures témoignent du souci du détail de l’auteur et de ses recherches historiques). On croise enfin quelques-uns des personnages du drame futur (Polonius, Ophélie…), que le passé révèle également (Hamlet tout particulièrement).

Mais la comparaison avec Hamlet s’arrête là. Updike reste un homme de son temps, plus intéressé par les sentiments et l’alchimie des relations humaines que par les dilemmes moraux du petit prince. Chaque personnage a son caractère et ses ambiguïtés, chacun est pris dans un entrelacs plus ou moins souple d’obligations, de sentiments et d’interdits. L’auteur, deus ex machina, dissèque les pensées les plus intimes, éclaire les pulsions, les haines, les envies : on quitte le drame à l’antique pour la comédie de mœurs contemporaine, relevée d’un zeste d’histoire. Il faut dire que le décor s’y prête et Updike s’est remarquablement installé dans les meubles de son prédécesseur élisabéthain, puisant aux sources d’époque (de Saxo Grammaticus à l’Ur-Hamlet, la pièce qui inspira Shakespeare). Le tragique est nuancé par le fait que chacun est finalement en quête d’un bonheur individuel, refusant de se sacrifier à ce bonheur collectiviste qu’on appelle la raison d’Etat.

La démonstration – littéraire et historique - est en tous les cas impressionnante, enthousiasmante : ce Gertrude et Claudius constitue une très plaisante variation sur un thème classique, qui devrait réconcilier tous les amateurs de littérature originale avec le théâtre shakespearien.


Gilles Ferragu
( Mis en ligne le 16/03/2005 )
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