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| Littérature -> Romans & Nouvelles |
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Tabula Rasa & Rive Gauche | | | Isabelle Sorente Panique
Grasset 2006 / 19.90 € - 130.35 ffr. / 403 pages
ISBN : 2-246-66841-7
FORMAT : 14,0cm x 22,5cm
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Dans un Paris trop contemporain, où foncent les bolides, tombent les restructurations, vendent les campagnes marketing agressives et performent les boites de Conseil, Isabelle Sorente pousse son cri littéraire. Quand le décadentisme à la Baverez rencontre un spleen fin de siècle à la sauce Huysmans...
Jérome est un brillant élément de la méritocratie française, Rastignac monté à Paris pour briller à Polytechnique avant de sombrer, la bague au doigt, dans le cabinet de son beau-père, un de ces métiers en -ing dont les praticiens conservent les secrets et le sens. Brillant mais mal à l'aise, timide et insatisfait comme on peut l'être à 16 ans ou quand l'adolescence, entretenue sur les bancs des prépas et Grandes écoles, les prolonge parfois jusqu'à la trentaine imminente... «Peut-être suis-je trop timide pour être un homme. Parfois je me sens si vide que j'imagine être un dieu. Un dieu aux créations absurdes et difformes.» (p.12)
Suivi de deux comparses qui forment avec lui un étrange ménage à trois, Adèle et Roman, il prévoit de changer le monde... et une action terroriste télévisuelle contre un Président de la République française aux airs berlusconiens... Mais le terrorisme, on le sait bien, est une «philosophie» à la mode, et d'autres qu'eux prévoient aussi leur grand coup. Slut, fils illégitime né du croisement d'une actrice du X et d'un gang bang (!), devenu poète esthète malade du siècle comme rarement, vise aussi à bouleverser un peu la Ville Lumière. Avec ses propres complices, il entend semer la panique dans la capitale avec la plus létale des armes : ses mots... Et la panique prend en effet Paris, sous les traits d'un Dieu Pan incarné de-ci, de-là, dans les divers personnages...
Panique est cette gradation vers un chaos à la fois poétique et nihiliste, où l'écriture sert de perçoir au beau verni civilisé d'une cité policée et policière, matéraliste à l'excès, hantée - trop - par le spectre sécuritaire. Demain en somme... Avec ses jeunes gens, Isabelle Sorente joue à l'impertinence, au blasphème. Gavés de culture, ces enfants terribles veulent leur table rase. Petits bourgeois parisiens, ils cherchent à casser la barraque sans que l'on puisse raisonnablement partager leurs raisons. En ont-ils, d'ailleurs?... «Peut-être aime-t-il la vie d'amour fou, comme ces amants qui ont besoin d'éprouver la destruction avant de revenir : retiens-moi, ou je te quitte !» (p.217). Peut-être... Mais quand on aime la vie, on n'est pas suicidaire, c'est la base. Ces enfants du siècle sont des enfants gatés, lisant le monde comme leurs manuels de khâgne. En somme, ils agacent... et ce roman avec eux.
Pourtant, il a de l'ampleur ce livre, un style maîtrisé, une prose poétique qui confère au genre dramatique, une belle épaisseur pour un projet légitime : exprimer par la destruction et les lettres une trop longtemps tue soif de vie, de jouissance, de vitesse, de bordel en somme, une pousée du «ça» sur un «sur-moi» tyrannique... «Deux camps s'affrontent, deux castes métaphysiques que tout oppose : la reproduction d'un côté et la jouissance de l'autre.» (p.362)
Bruno Portesi
( Mis en ligne le 07/07/2006 )
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