| James Dalessandro 1906 Calmann-Lévy - Suspense 2006 / 22 € - 144.1 ffr. / 476 pages ISBN : 2-7021-3665-6 FORMAT : 14,0cm x 20,5cm
Traduction de Lisa Rosenbaum. Imprimer
Scénariste et auteur de romans policiers, James Dalessandro vit à San Francisco ; cest lhistoire du fameux tremblement de terre de 1906 quil choisit de raconter ici, dans le cadre dun thriller efficace.
En 1906, San Francisco est bien loin des Etats-Unis qui se construisent autour de Boston, de la Nouvelle Angleterre et du port de New York, bien loin de la vieille Amérique aristocratique dun sud ruiné par la guerre de Sécession. La ville, extravagante, tournée vers lextérieur, abritant une nombreuse population asiatique, essentiellement chinoise, est laboutissement dun Far West qui vient décrire sa légende. Ruées vers lor, activités portuaires dans une ville ouverte sur la vaste baie (avant la construction du Golden Gate Bridge), commerces en tous genres enrichissent une société mêlée. Frénétique, cupide, active nuit et jour, San Francisco vit au rythme des affaires, de la mafia, des meurtres, des bars louches et des complots de lombre, ignorant toute loi autre que celle du plus fort. Le maire et la plupart des magistrats chargés de faire régner lordre méprisent superbement la justice au profit de leurs propres intérêts et tout un monde de malfrats senrichit sans scrupules. Les entrepreneurs construisent en volant sur les matériaux, bars louches et prostituées assurent le repos de ces guerriers dun autre genre.
En même temps sort du lot une courte élite qui se pique de «goût français» (la France est le pays dorigine dune partie des prostituées de haut vol venues faire fortune au bout du monde), fait construire un opéra et y invite le célébrissime ténor italien Caruso qui achève une tournée triomphale aux Etats Unis. Deux moyens de joindre lextérieur : le train et la mer. Mer ouverte, sillonnée de bateaux de pêche aux conditions de vie épouvantables pour lesquels des truands raflent des hommes le soir dans les rues sombres, hommes quils livrent en esclavage aux capitaines en expédition lointaine, qui leur feront vivre un enfer dont peu reviendront.
Cest ce décor, violent, haut en couleurs, que James Dalessandro choisit de faire revivre entre le 15 avril et le 30 mai 1906 ; le 18 avril a lieu le tremblement de terre, suivi de lincendie dune grande partie de la ville, dont San Francisco a gardé le souvenir effrayé, ville en danger constant, campée sur la faille de San Andreas. James Dalessandro tient à sélever contre lhistoire officielle qui fait, depuis 1906, du maire de la ville un héros efficace ; il peint au contraire un personnage corrompu entouré de personnages vénaux et incompétents qui poursuivent leurs propres intérêts, parfaitement indifférents au sort des populations. Existent certes de vrais héros, courageux et incorruptibles : les pompiers de le ville, les policiers, quelques magistrats.
Plane aussi pour le lecteur, et sans doute pour lauteur, le souvenir dun autre incendie : celui du 11 septembre 2001, et dautres héros, les pompiers de New York, le maire
Le récit est confié à une narratrice, Annalisa Passarelli, critique dart et dopéra. Elle fait partie du camp des «bons» autour de la famille Fallon (le père, les deux fils, quelques cousins), intègres policiers de la ville qui sefforcent de faire respecter, avec une efficacité inégale, un ordre et une justice refusés par les truands protégés par la puissance du maire et de la municipalité, puissant camp des «méchants». La lutte est sans merci et le tremblement de terre lintensifie.
James Dalessandro tient bien son récit, le rythme est soutenu, les personnages nombreux, parfois juste esquissés, ou davantage fouillés, figures extravagantes et excessives venant dune époque en voie dachèvement. Passé et avenir se mêlent dans une Amérique jeune, conquérante, et lon se prend souvent à imaginer le film que cela pourrait inspirer. Un «roman catastrophe», agréable moment de lecture.
Marie-Paule Caire ( Mis en ligne le 25/08/2006 ) Imprimer | | |