| Georges-Olivier Châteaureynaud L'Autre rive Grasset 2007 / 22.90 € - 150 ffr. / 646 pages ISBN : 978-2-246-65301-1 FORMAT : 15,5cm x 23,0cm
Date de publication : 28/08/2007. Imprimer
Georges-Olivier Châteaureynaud (prix Renaudot en 1982 pour La Faculté des songes) nous offre avec lAutre rive un vrai roman. En ces temps où lauto-fiction triomphe souvent, et lécriture est blanche, Georges Châteaureynaud renoue avec la verve et linspiration des grands romans populaires du XIXe siècle ; «populaire», au bon sens du terme ; il rappelle par moments Hugo (auquel dailleurs les héros font un clin dil), mais aussi Eugène Sue. Sur 647 pages, le lecteur est invité, pour son plus grand plaisir, à suivre Benoît et ses amis Onagre, Cambouis et Fille de Personne, dans leur ville natale : Ecorcheville. Enfant adopté par Louise qui exerce la fonction dembaumeuse dans une villa décatie, qui ne conserve que des signes lointains de son ancienne splendeur. Louise qui a embaumé son nourrisson et le conserve dans un chasse couverte de poussière dans son salon. Benoît doit affronter la difficulté dêtre adolescent, enfant «naturel», à la quête de son père, dans une société dominée par trois clans aristocratiques, les Propinquor, les Bussetin et les Esteral. Trois clans qui possèdent la ville, et exercent leur pouvoir sous tous ses aspects : politique, économique, culturel
Ecorcheville est au bout du bout du monde connu ; ville-monde, située au bord du Styx, dernier lieu avant lErèbe, les Enfers. Sur le Styx, la nuit, le nocher Charon vient chercher les âmes qui ont acquitté leur obole
De lautre rive pleuvent des salamandres, ou des escargots, la ville est en permanence assombrie par dépais nuages, le temps sy déroule plus lentement quailleurs, on y côtoie constamment létrange et le bizarre sous la forme de monstres venus séchouer. Madame Occlo, dans la cathédrale eiffelienne transformée en musée forain, les présente : vivants ou morts
La sirène Ligée tourne, inlassable et muette, dans un improbable aquarium tropical ; un jour le fleuve livre un centaure mort et un faune vivant
Ecorcheville ressemble à nimporte quelle ville, dune certaine façon, avec ses édifices publics, ses monuments, mais aussi en guise de mobilier urbain les «fusillettes» conçues par larchitecte Benito Guardicci, machines à se suicider pour dix euros. On vacille constamment tout au long dun récit qui construit avec talent un équilibre fragile entre «normal» et bizarre.
Georges-Olivier Châteaureynaud nous entraîne avec talent dans cet univers décalé. Toute une société se déploie : Louise et ses amies «les vieilles toupies», Tata Lenya ancienne star de cinéma et Tata Cindy, putain trop âgée pour continuer à exercer mais pas à rêver
Superbe Propinquor, le maire de la ville, son secrétaire Aranelle, le fidèle et indispensable commissaire de police Dupassé, Bogue le brocanteur, Ménélos lhomme oiseau, le poète officiel Lordurin, Lola Balbo la comédienne
Tous ont un lien plus ou moins fort avec Benoît. Benoît qui se voit en artiste célèbre, jouant de la lyre rock, sur un instrument unique dégotté par Bogue. Orphée moderne en quête de son Eurydice ! Ses amis : Onagre, petit-fils de Superbe Propinquor, tête vide et adolescence pleine des frasques quautorise sa naissance ; Cambouis, qui, lui, appartient au clan Bussetin ; Fille de personne (abrégée en FdeP), enfant déposée dans un couffin avec son frère Krux, à lentrée de la cathédrale. Géli qui surgit de nulle part ou presque.
Une intrigue bien construite, des rebondissements constants, une langue riche : tous les ingrédients dun roman réussi, dans lequel on plonge avec délectation, entre roman classique et science fiction.
Marie-Paule Caire ( Mis en ligne le 03/09/2007 ) Imprimer | | |