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Avec la grâce d'un dictionnaire
Teodoro Gilabert   Les Pages roses
Buchet Chastel 2008 /  14 € - 91.7 ffr. / 201 pages
ISBN : 978-2-283-02343-3
FORMAT : 12cm x 19cm

Date de parution : 21/08/2008.
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En ouvrant Les Pages roses, le lecteur est confronté à un alignement de phrases indigentes que la privation régulière de verbes rend nues et laides, des sentences malingres dénuées de soubassements autant que de finitions, à une suite de paragraphes étiques au point de paraître invertébrés (passée la troisième page, deux phrases enchaînées précipitent aussitôt un retour à la ligne obligatoire), à un chapelet de mots courts et fades. Cet aspect brouillon et – pour le moins – sans apprêt est sans doute supposé évoquer le cheminement de la pensée en marche, d'une redécouverte de soi progressive au cours de laquelle on est invité à suivre pas à pas les déambulations de l'auteur : cela semble surtout poussif.

Or ce n'est pas là le moindre défaut quand on veut écrire une autobiographie sans avoir été un acteur particulièrement remarqué de l'Histoire : l'ombre de la banalité, voire de l'ennui, plane presque toujours et il faut pour se prémunir de la catastrophe être à même de se prévaloir ou d'une écriture exceptionnelle, ou bien d'une sérieuse volonté d'ouvrir l'expérience personnelle à des horizons plus vastes. L'auteur a tenté les deux : simplement, si le style artificiel agace vite, le retour sur image qu'il opère en revenant sur les événements marquants de sa vie offre une plongée largement assez réaliste dans l'univers d'un lycéen des années soixante-dix ; ce qui ne signifie d'ailleurs pas que le personnage en soit devenu sympathique.

Mais le côté poseur de l'écrivain trop absorbé par ses pensées et sûr de son originalité pour composer de simples propositions indépendantes complètes s'explique soudain. Un amateur éclairé de cinéma Nouvelle Vague ne peut pas rédiger un texte ordinaire, ne peut pas avoir vécu médiocrement. Car, si un étudiant d'hypokhâgne entre aisément dans la catégorie des jeunes rebelles des années hippies, c'est à condition d'avoir été partie prenante de l'effervescence politique, artistique, culturelle de son époque. Pour sa part, T. Gilabert a poussé l'insoumission jusqu'à écrire «Carpe puellam» à la craie rouge dans son lycée... Certains pourraient avancer, perfides, que la forme comme le fond manquent un peu d'audace, mais ce serait ignorer qu’il n'a bien entendu pas choisi la voie des classes préparatoires pour des raisons bassement scolaires : «Les latinistes étaient très belles, les hellénistes également. Celles qui cumulaient les deux langues anciennes étaient encore plus belles» (p.23). Et, bien entendu, elles l'accueillent à bras ouverts et constituent autour de lui «un harem» (p.28), «un aréopage de Vénus et de nymphettes» (p.29). Qu'on se le dise, c'est l'érotisme qui l'a mené à l'agrégation de Lettres Classiques, couplé bien entendu à une passion dévorante pour les pages roses du Petit Larousse illustré. C'est tout de même plus original que d'avoir idolâtré, son adolescence durant, Rimbaud et Baudelaire, Virgile et Sophocle.

On a coutume de reprocher à tout un pan de la littérature contemporaine une tendance à l'autoflagellation, au masochisme plus ou moins habilement sublimé. Précisons-le tout de suite, une telle accusation ne peut être retenue contre Teodoro Gilabert. Il s'aime beaucoup et fait preuve à son égard d'une complaisance, d'un égoïsme et d'une confiance sans faille. Certains la trouveront rassurante, peut-être même rafraîchissante dans le contexte actuel. Néanmoins, pour être tout à fait honnête, elle devient vite insupportable, tout spécialement pour le lecteur qui n'a – doit-il vraiment dire malheureusement ? – pas connu les décennies auxquelles l'auteur rend hommage (même si l'on a surtout l'impression de lire un panégyrique de sa propre carrière), qui n'a pas vécu dans ce milieu spécifique. Le recours aux images clichés (films de Godard, Brigitte Bardot alanguie, bouleversements éducatifs, ascension sociale, difficultés des professeurs en banlieue, militante trotskiste frigide, etc) permettra sans doute à une partie de la génération X de s'associer à la démarche de l'auteur.

Mais cela ne fait certainement pas d'un ouvrage au style plus qu'insipide, désagréable, un livre de qualité. Et l'on doute qu'il suffise à T. Gilabert de troquer le Larousse contre le Littré pour venir à bout d'un snobisme irritant et découvrir la beauté d'une langue qu'il est censé aimer : arrive un moment où l'absence de sensibilité littéraire, dont il n'est pas exclu qu'elle soit voulue, semble rédhibitoire.


Aurore Lesage
( Mis en ligne le 01/09/2008 )
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