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Le bon usage
Renaud Camus   Répertoire des délicatesses du français contemporain - Charmes et difficultés de la langue du jour
Seuil - Points - Le Goût des mots 2009 /  7.50 € - 49.13 ffr. / 371 pages
ISBN : 978-2-7578-1071-2
FORMAT : 11,0cm x 18,0cm

L'auteur du compte rendu : Ancien élève de l’École Normale Supérieure Lettres et Sciences Humaines de Lyon, agrégé de Lettres Modernes, Fabien Gris est actuellement moniteur à l’Université de Saint Etienne. Il prépare une thèse, sous la direction de Jean-Bernard Vray, sur les modalités de présences du cinéma dans le roman français contemporain.
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Le romancier et essayiste Renaud Camus nous propose, avec ce Répertoire des délicatesses du français contemporain, une sorte de nouveau Dictionnaire des idées reçues, version strictement langagière et (socio)linguistique. Comme chez Flaubert, la forme «dictionnaire» et «index» est en partie informative, mais se veut aussi critique et réflexive. De «foire d’empoigne» à «au niveau de», de «j’veux dire» à «sympa», l’écrivain passe au crible de ses analyses de multiples expressions, tics de langage et autres réflexes grammaticaux qui sont propres au français contemporain, que ce soit celui de la conversation courante comme celui des médias (la plupart des exemples sont tirés du Monde, du Nouvel Observateur ou de France Culture, nous dit l’auteur en préambule).

Le parti pris de Renaud Camus dans ses notices est volontairement «anachronique». Il fait le choix de l’analyse rigoureuse, aborde sans détour les enjeux grammaticaux et linguistiques de telle ou telle entrée, et ne cède jamais à la facilité du bon mot ou du raccourci relâché. Admirateur de la langue classique, il semble se plaire à se poser comme le nouveau Vaugelas : censeur, pourfendeur, il traque l’usage impropre, le pléonasme, l’absurdité grammaticale, le solécisme, et les corrige sans hésitation ni remord. La différence par rapport à l’auteur de Remarques sur la langue française résiderait peut-être dans l’humour et l’ironie dont Renaud Camus fait preuve. Les «délicatesses» du titre sont ainsi antiphrastiques : il s’agit davantage de dire que l’auteur est «en délicatesse» avec cette langue pauvre et imprécise, absurde ou incorrecte.

Néanmoins, si l’on se limitait au strict point de vue grammatical et linguistique (une sorte de «Bon usage» à la Grevisse réactualisé), l’ouvrage se révèlerait plutôt rébarbatif, et pour tout dire assez vain. Certains spécialistes de sociolinguistique pourraient aussi faire de nombreuses objections à Renaud Camus, dont celle de postuler une norme fixe et historiquement peu déterminée, ce qui ne correspond pas à l’évolution générale des langues et des langages. Ce serait manquer le véritable objectif de l’auteur : donner, par le truchement du travail lexicographique et grammatical, une vision de la société actuelle et de ses travers.

Disons-le tout net : les écarts de langage sont pour Renaud Camus les preuves certaines d’une société en relâchement, obsédée par la vitesse, le nombrilisme, l’efficacité à court terme et l’utilitarisme. Décadence du langage et décadence des hommes sont une seule et même chose, puisque le langage est à la fois le fondement et le reflet de toute communauté socialisée. Nos tics verbaux trahissent les mutations du monde, le basculement des valeurs ; ainsi en va-t-il par exemple de l’individualisation croissante : «dans une civilisation où l’essentiel est d’«être soi-même», l’aune du discours […] n’est plus dans l’autre, dans l’interlocuteur, […] elle est exclusivement en soi-même, dans la personne de celui ou de celle qui s’exprime, dans son passé, dans son milieu, dans son désir d’être soi-même quoi qu’il arrive» (p.313). Ainsi en va-t-il également du changement de statut de la littérature : «La littérature n’impose plus ses normes. La France a cessé d’être une «société littéraire». […] Dans la plupart des dictionnaires, les exemples, au lieu d’être empruntés comme jadis aux ouvrages d’auteurs classiques ou du moins consacrés, le sont au langage courant. L’usage seul est considéré comme fondateur. Il s’ensuit une curieuse tautologie de la norme : ce qui se dit est ce qui se dit» (pp.73-74).

Le point de vue exprimé ici est clairement celui des «déclinistes», ceux qui regrettent un passé où les valeurs de l’art, de la correction et de la beauté avaient encore cours. Mais, à la différence de certains de ces discours souvent caricaturaux, la démonstration de Renaud Camus marque des points grâce à son détour par la forme «dictionnaire» et son parti pris d’analyse mi-scrupuleuse mi-ironique de nos réflexes langagiers. Nous sommes bien en peine de réfuter les traits de langue qu’il souligne : nous les employons, nous les pratiquons chaque jour. Et nous sommes bien obligés d’admettre que le langage est un des symptômes les plus prégnants de nos sociétés contemporaines.


Fabien Gris
( Mis en ligne le 18/03/2009 )
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