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Littérature  ->  Essais littéraires & histoire de la littérature  
 

La Basse Sachs
Henri Raczymow    Collectif   Maurice Sachs
L'Herne - Les Cahiers de l'Herne 2016 /  39 € - 255.45 ffr. / 264 pages
ISBN : 978-2-85197-182-1
FORMAT : 21,0 cm × 27,0 cm

Voir aussi, publiés récemment chez le même éditeur :

- Maurice Sachs, Mémoire moral, L'Herne (Carnets de L'Herne), Septembre 2016, 110 p., 7,50€, ISBN : 978-2-85197-364-1

- Maurice Sachs, Derrière cinq barreaux, L'Herne (Carnets de L'Herne), Septembre 2016, 207 p., 7,50€, ISBN : 978-2-85197-365-8

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Roger Nimier l’appelait «le malhonnête homme qui se pique de tout» et Anaïs Nin soulignait la beauté de ses «remarquables yeux sombres tendres». Violette Leduc aima d’un amour passionnel (et forcément déceptif) celui dont le prénom se voit gratifié de la sobre apposition «la tante» par Philippe Monceau. Pierre Béarn se demandait s’il s’agissait d’un agent double et Maurice Nadeau le taxait d’être «un gredin de haute volée». Le kaléidoscope qui recompose le portrait de Maurice Sachs (1906-1945) est étonnamment fragmenté, et il se complexifie rien qu’en découvrant la biographie de ce juif, homosexuel, dandy viré gestapiste, écrivain dont le talent émergent se trouva tôt houspillé et gaspillé par les remous d’une vie de patachon.

Sachs fascine encore aujourd’hui, comme tous les artistes qui ont flirté avec les extrêmes ; il exerce un charme, si exaspérant soit-il, comme un bel enfant gâté qui se brûlerait les doigts et l’âme en maniant le briquet de l’ambition. Lui consacrer un Cahier de L’Herne comble une sérieuse lacune dans l’historiographie des destinées littéraires fulgurantes de l’entre-deux-guerres. Mais l’entreprise, si riche et plurielle soit elle en son approche, ne rend en rien le personnage attachant. Si tel n’est pas le but de la critique littéraire que de susciter du sentiment, un brin d’empathie n’est jamais de trop, a fortiori quand il s’agit d’approcher l’un de ces «cas» particulièrement sensibles dont on se demande parfois par quel bout on va bien pouvoir leur récupérer une once d’humanité.

Mais qu’il fut donc ingrat, Sachs, à commencer envers le bon Max Jacob à qui son «Fils Maurice» soudoyait de l’argent pour finir par dessiner de sa vache à lait un portrait monstrueux de sarcasme dans Alias – roman que notre grand garçon courageux déconseilla à son mentor de lire. Il fit littéralement tourner en bourrique l’éperdue Violette Leduc, pour finir par la quitter comme une misérable, pantelante de douleur, sans un regard en arrière alors qu’il prenait le fatal chemin de l’Allemagne ; mieux, il trahit ceux que naguère encore il exhaussait, il fracassa sans respect les idoles dont il avait si bien joui des faveurs. Une phrase de Cocteau le résume : «La morale de Maurice n’existait pas».

L’article d’Yvon Beleval paru dans le Magazine littéraire de l’été 1984 est à cet égard symptomatique de la posture de certains (nombreux ?) critiques littéraires, et qui consiste à inverser les termes élémentaires de la faculté de juger, par refus obstiné du jugement. Dans ces deux pages d’hagiographie à rebours, c’est le rapport au mal entretenu par Sachs qui sanctifie d’emblée la qualité de son œuvre. Car forcément, un ivrogne, un voleur, une balance, un pédéraste, un espion, cela ne peut faire qu’un grand écrivain. Mais quel cap passeront réellement des livres comme Le Sabbat ou Au temps du bœuf sur le toit ? Sont-ils au fond, tout au fond, autre chose qu’une autobiographie aux accents vipérins déguisée en roman ? On est loin en tout cas du rendu de l’esprit d’une époque que brossa un autre «maudit», trentenaire exécuté, doué d’une autre étoffe : Robert Brasillach.

Un reproche enfin, une fois ne sera pas coutume, concernant la facture du volume, épuisant à lire à cause de sa typographie microscopique (et pas toujours cohérente en ses économes réductions de police), dénué du cahier photo central sur papier glacé ; d’où, dès lors, une manière de rupture avec la dynamique à laquelle nous ont accoutumés chacun de ces volumes mythiques. En fait, c’est de bonne guerre. Celui qui entamait le portrait de la femme qui l’avait tant aimé par «Elle porte cette croix, la pire, d’être incroyablement laide et de le savoir» ne méritait guère mieux qu’un sarcophage menuisé à son image. Sans envergure, générosité ni épaisseur.


Frédéric Saenen
( Mis en ligne le 21/10/2016 )
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