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Littérature  ->  Essais littéraires & histoire de la littérature  
 

Cap sur la littérature !
John Maxwell Coetzee   Doubler le cap - Essais et entretiens
Seuil - Le don des langues 2007 /  23 € - 150.65 ffr. / 343 pages
ISBN : 978-2-02-081727-1
FORMAT : 14,5cm x 22,0cm

L'auteur du compte rendu : Scénariste, cinéaste, Yannick Rolandeau est l’auteur de Le Cinéma de Woody Allen (Aléas) et collabore à la revue littéraire L'Atelier du roman (Flammarion-Boréal) où écrivent, entre autres, des personnalités comme Milan Kundera, Benoît Duteurtre et Arrabal.
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John Maxwell Coetzee, né au Cap en 1940, a reçu le prix Nobel de littérature en 2003 pour son œuvre. Après avoir enseigné la littérature à l'université du Cap, il vit et enseigne à Adelaïde (Australie) en alternance avec l'université de Chicago. Il est critique littéraire, traducteur, spécialiste de linguistique mais il est plus connu pour être l'auteur de superbes romans comme L'Homme ralenti, Disgrâce, En attendant les barbares, Michaël K., sa vie, son temps, Vers l'âge d'homme, etc. J. M. Coetzee s'est donc rapidement imposé comme l'un des grands romanciers de son temps, à juste titre, faut-il préciser.

Etonnant parcours en tout cas que le sien car après des études de lettres et de mathématiques à l'université du Cap, J. M. Coetzee part en Grande-Bretagne et travaille comme programmeur pour IBM, puis pour International Computers ! Une bourse lui permet de reprendre ses études à l'université du Texas à Austin, où il soutient une thèse de doctorat sur les romans de Samuel Beckett. Il retrouve l'Afrique du Sud en 1973. Son premier roman, Terres de crépuscule, y est publié en 1974.

J. M. Coetzee refuse d’être enfermé dans l’examen réaliste des conflits nés de l’apartheid et il se définit lui-même tout simplement comme «écrivain occidental vivant en Afrique du Sud», voulant dépasser tout enfermement social ou politique de son œuvre. Avec la précision d’un journal de bord, dans une prose simple et serrée et avec la distance ironique qu'on lui connaît, ses personnages explorent les tentatives de la survie dans un monde en déliquescence où le pouvoir a détruit toute possibilité de dialogue. Une vieille fille peut-être folle dans une ferme isolée (Au cœur de ce pays), un innocent à bec-de-lièvre pris dans une guerre civile (Maxwell K., sa vie, son temps), un magistrat libéral impuissant devant les violences d’une fin d’empire (En attendant les barbares), un professeur pris comme bouc-émissaire (Disgrâce), ses protagonistes évoquent de près ou de loin le monde de Franz Kafka et de Samuel Beckett, deux auteurs que J. M. Coetzee aime beaucoup dans la façon qu'ils ont de se débattre dans un monde qu'ils ne comprennent plus ou qui les dépasse.

Il n'est pas rare qu'un romancier se mette à écrire des essais littéraires, soit pour fixer sa pensée, soit pour pénétrer l’art d'autres romanciers, ou même tout simplement pour s’exercer et comprendre comment les autres écrivent et s'y prennent avec la fiction. On se rappellera par exemple le livre de Philip Roth, Parlons travail, dont Doubler le cap se rapproche. L'exercice est périlleux pour tout romancier s'y aventurant.

Le champ développé par J.M. Coetzee est vaste et impressionnant, et sa culture livresque est d'une considérable richesse. La première partie de cet essai contient un entretien et plusieurs textes de J.M. Coetzee sur la genèse de son œuvre. L’auteur nous livre plusieurs écrits sur Beckett (Murphy, Watt...), rappelle un souvenir du Texas et reproduit le discours de réception du prix de Jérusalem. La seconde partie évoque les classiques ayant marqué l’auteur (ou tout simplement ceux qu'il avait envie d'aborder ou d'analyser), comme Daniel Defoe, Tolstoï, Jean-Jacques Rousseau, Fédor Dostoïevski ; deux textes sur Robert Musil ainsi qu'un second entretien achèvent cette partie, la plus passionnante de l'essai. La troisième partie aborde la littérature du monde : des essais de Joseph Broddsky, le roman de Salman Rushdie Le Dernier soupire du maure, les oeuvres de Borges, de Naguib Mahfouz, et de Aharon Appelfeld ; la quatrième et dernière partie enfin, parle de l'oisiveté en Afrique du sud, de Gordimer et Tourgueniev, de l'autobiographie de Doris Lessing et des mémoires de Breyten Breytenbach.

Le principal problème avec ce genre d'essai est qu'il vaut mieux avoir lu tous les livres dont parle l'auteur, sans quoi la lecture risque d'apparaître un tantinet abstraite. C’est bien le seul écueil sérieux d’un tel livre car J.M. Coetzee développe des réflexions nombreuses et riches. Et il le fait avec rigueur et élégance dans le propos. Evidemment, ceux qui apprécient beaucoup les romans de J.M. Coetzee vont pouvoir découvrir une partie de la bibliothèque du romancier et, peut-être aussi, de nouveaux auteurs, avec un développement critique souvent pertinent. Car J.M. Coetzee n'épargne pas non plus des auteurs forts célèbres et qu'il admire. L'aventure avec un écrivain d'une telle envergure est toujours savoureuse. Il suffit d'être curieux, d'aimer évidemment la littérature et de mettre le cap sur l'inconnu !

Certes, tout n'est pas d'une grande hauteur de vue et le seul reproche que l'on pourrait faire à J. M. Coetzee est parfois de rester trop en surface ou plutôt d’être trop généraliste (journalistique pour tout dire) sans aborder ce qui caractérise non seulement le style mais la thématique particulière de l'auteur sur lequel J.M. Coetzee écrit. En linguiste et en sémioticien, J. M. Coetzee fait aussi des incursions très (et trop) techniques dans les textes (par exemple ceux sur Beckett) et c’est sans doute ce qu’il y a de moins réussi dans ce livre. Il le dit plus ou moins lui-même : "La plupart de mes essais critiques font suite à des incursions dans un territoire qui ne m'est guère familier, souvent dans le territoire étranger de la linguistique" (p.155). D'autres textes pour prendre d'autres exemples, comme ceux sur Borges ou Rushdie, ne sont pas inintéressants en soi et permettent bien souvent une première approche des auteurs mais on attendrait de la part d'un romancier comme J. M. Coetzee une ampleur de vue un peu plus conséquente.

Indéniablement, J. M. Coetzee est plus à l'aise quand il abandonne la linguistique pour étudier, dans la seconde partie, les confessions et pensées d'auteurs comme Tolstoï, Jean-Jacques Rousseau et Dostoïevski à travers leurs œuvres (respectivement, La Sonate à Kreutzer, Les Confessions et Le Sous-sol, L'Idiot et Les Possédés). Dans ces livres, J.M. il ne cesse d'interroger le degré de véracité et de sincérité de la confession, de l'intimité, de la parole, que le narrateur prend en charge dans tel ou tel roman, et donc par rebond, de ce que l'auteur en propre veut insuffler. Le cas le plus épineux est bien sûr celui de Jean-Jacques Rousseau, dans ses célèbres Confessions, ancêtre de la très contemporaine autofiction.

J. M. Coetzee excelle dans ce genre d'analyse à tiroirs et ce, afin de tenter d'y voir clair dans les intentions du narrateur tout en mettant à plat les subterfuges littéraires qu'utilisent les auteurs pour parvenir à leur fin. Il y a là effectivement un jeu savant dans les déguisements successifs du moi. J. M. Coetzee n'hésite d'ailleurs pas à contredire les supposés déclarations d'intentions comme celles de Tolstoï concernant son personnage dans La Sonate à Kreutzer.

Avec des textes d'une telle rigueur d'analyse, nous prenons une leçon de littérature qui, en retour, nous pousse à être plus exigeant dans notre lecture tout en nous faisant comprendre la grandeur du roman dans la connaissance de l'homme et des ambiguïtés et complexités du désir.


Yannick Rolandeau
( Mis en ligne le 31/08/2007 )
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