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Littérature -> Essais littéraires & histoire de la littérature |
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La révolution en littérature | | | Laurent Jenny Je suis la révolution - Histoire d’une métaphore (1830-1975) Belin - Extrême contemporain 2008 / 19 € - 124.45 ffr. / 224 pages ISBN : 978-2-7011-4774-1 FORMAT : 13 x 21 cm
L'auteur du compte rendu : Arnaud Genon est lauteur dune thèse de doctorat (PhD) soutenue à lUniversité de Nottingham Trent. Professeur de Lettres Modernes, il est aussi membre du Groupe «Autofiction» ITEM (CNRS-ENS) et auteur, chez lHarmattan de Hervé Guibert. Vers une esthétique postmoderne (2007). Imprimer
Entre 1830 et 1975, linnovation littéraire a toujours été associée à lidée de Révolution et donc démancipation politique. Cette assimilation métaphorique innovation / révolution rentrée dans la langue et devenue lieu commun, ne va cependant pas de soi. En effet, comme le note Laurent Jenny dès son introduction, si ce cliché sest maintenu durant cette période il na cependant jamais eu le même sens. Cest donc cette «métaphore ouverte, se rechargeant de connotations toujours nouvelles au fil de lHistoire» quil décide dinterroger et dexplorer.
Lhistoire même du mot «révolution», avant quil ne soit appliqué à la littérature est déjà dune «extraordinaire fécondité polysémique» puisquil désigne, selon les siècles, lidée de continuité (la révolution dune planète) ou celle de «violence et de bouleversement». Cest en 1830, dans un roman satyrique dAntoine Jay que le mot «révolution», dans le sens de «changement irréversible», est associé à lexpression «République des Lettres». Entre 1822 et 1830, Hugo est un de ceux qui participent à la politisation de la littérature et il deviendra, quelques années plus tard «le principal artisan de la métaphorisation de la littérature en révolution» alors quil naura jamais été lui-même, paradoxalement, «un révolutionnaire très audacieux en politique».
Laurent Jenny évoque ensuite les différents auteurs qui ont participé à la fixation du rapport innovation / révolution en littérature. Parmi eux, on trouve bien évidemment Victor Hugo, déjà cité, qui se posera au milieu du XIXe siècle comme «lagent dune révolution dans la République des Lettres» à travers notamment sa Réponse à un acte daccusation. Pour André Breton, autre écrivain envisagé ici, «Révolutionnaire et surréaliste sont [
] deux termes synonymes» sans que le mot révolution ait encore, en 1924 et donc au début du surréalisme, de sens bien défini. Cependant, Breton se livrera à un changement «de comparant révolutionnaire» dans lutilisation quil fera de cette métaphore. En troquant «imaginairement 1793 contre 1917», Breton sera passé «du déchirement de lesprit par sa propre liberté à lélucidation du désir inconscient».
Le cas de Maurice Blanchot est aussi intéressant car dabord chroniqueur politique de 1931 à 1937, il passera ensuite «à la pensée de luvre littéraire». Nouant le politique au littéraire et étant venu à lune (littérature) par dégoût de lautre (politique), cest mai 1968 qui constituera pour lui «lessence de la révolution et celle de la littérature comprise comme une parole sans limite». Jenny évoque ensuite Paulhan qui «sinscrit dans la filiation de la métaphore hugolienne de la révolution littéraire», puis se penche sur Roland Barthes et sa «nostalgie de lécriture révolutionnaire». Dans un premier temps, il ny aura pas pour Barthes décriture révolutionnaire possible, ou tout au moins, sera révolutionnaire «la moins contre-révolutionnaire» des écritures. Ainsi, «lécriture blanche», «lécriture neutre» théorisée à partir de LEtranger de Camus en sera lexemple. Plus tard, cest dans la discontinuité et linachèvement représentatifs des premiers textes de Guyotat et de Sollers quil trouvera les marques de subversion. Cest avec le groupe Tel Quel que sépuisera finalement la métaphore révolutionnaire.
Cet intéressant parcours, à travers le siècle et demi traversé, révèle de manière rigoureuse les différentes revendications et implications dune telle métaphore dont le récent abandon signe, selon lauteur, «une chance de réconciliation avec notre langage».
Arnaud Genon ( Mis en ligne le 16/07/2008 ) Imprimer
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