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Littérature -> Essais littéraires & histoire de la littérature |
| Didier Jacob La Guerre littéraire - Critique au bord de la crise de nerfs Editions Héloïse d’Ormesson 2008 / 18 € - 117.9 ffr. / 220 pages ISBN : 978-2-350-87089-2 FORMAT : 14cm x 20,5cm
Date de parution : 11/09/2008.
Auteur du compte rendu : Ancien élève de lÉcole Normale Supérieure Lettres et Sciences Humaines de Lyon, agrégé de Lettres Modernes, Fabien Gris est actuellement moniteur à lUniversité de Saint Etienne. Il prépare une thèse, sous la direction de Jean-Bernard Vray, sur les modalités de présences du cinéma dans le roman français contemporain. Imprimer
Didier Jacob est chroniqueur littéraire au Nouvel Observateur ; il tient sur le site du même journal un blog intitulé «Rebuts de presse» depuis mars 2004. La Guerre littéraire est le recueil de «ses chroniques les plus mordantes, les plus spirituelles aussi», comme nous lassure la quatrième de couverture. Le ton se veut impertinent, dune ironie dévastatrice, dune méchanceté salutaire. La critique est envisagée dun point de vue guerrier : pas de quartier ! Canardons ! Tirons à vue ! Titillons les zygomatiques du lecteur, réjoui par tant de liberté dexpression
Hélas, trois fois hélas, en matière de guerre, cest bien plutôt à Verdun ou Waterloo que nous assistons. Autant le célèbre essai de Pierre Jourde, La Littérature sans lestomac, était fort drôle et dune grande justesse la plupart du temps, car son auteur sappuyait sur de savoureuses et précises analyses textuelles, autant les chroniques de Didier Jacob apparaissent, au final, bien mesquines. On pourrait déjà sélever contre son choix de ne parler que de ce qui lénerve et lafflige. A part Michon et Woolf, presque personne ne trouve grâce aux yeux du chroniqueur. De la guerre, toujours de la guerre, et finalement bien peu damour : en refermant le livre, on ressent une désagréable impression de nihilisme ou daigreur. On se demande même si lobjet ne se veut pas, avant tout, un «coup» commercial : la méchanceté étant bien plus vendeuse que ladmiration.
Mais, après tout, le pamphlet est bien un genre, direz-vous. Certes ; encore eût-il fallu que la veine pamphlétaire fût réussie. Or, malheureusement, les piques de Didier Jacob font très souvent «pschitt», comme dirait lautre. En effet, les cibles du chroniqueur sont bien loin dêtre originales : lancer une énième pique contre Christine Angot, contre Michel Onfray, ou encore Marguerite Duras, quand il ne sagit pas tout bonnement de tirer sur les ambulances (Jacques Attali, Frédéric Beigbeder, Guillaume Durand, Bernard-Henri Lévy). De plus, si lon y regarde de plus près, on saperçoit que Didier Jacob sattaque moins à des uvres littéraires en elles-mêmes quau microcosme médiatique qui en parle : Ardisson, Durand, Jean-François Khan sont ainsi épinglés à plusieurs reprises. Ces cénacles télévisuels ou journalistiques sont certes bien critiquables, mais là encore, on se contente denfoncer des portes ouvertes. Enfin, Didier Jacob sessaie parfois à de petites fictions pseudo comiques qui veulent fonctionner comme des fables critiques ; malheureusement, cela ne présente que bien peu dintérêt (imaginer, par exemple, Michel Houellebecq appelé par Sarkozy pour former un gouvernement). Passons enfin sur les mauvais pastiches ou jeux de mots («Attali fatigue Attilasse»)...
Les textes qui font véritablement mouche sont ainsi bien rares : sur Philippe Muray, Alain Finkielkraut, ou bien encore le beau et juste texte final sur «Sarkozy et la Shoah», même si cela na que bien peu de rapport avec le «littéraire» à proprement parler. Didier Jacob paraît être conscient de la faiblesse de son recueil, et a beau jeu de pratiquer lautodérision et lautocritique, notamment par ce geste significatif de mettre en épilogue de violentes réactions dinternautes qui ont fleuri sur son blog à la suite de tel ou tel papier : le procédé est bien facile : susciter une bienveillance, relativiser des propos, mettre une distance, et finalement faire dune «guerre» au mieux un simple «lieu de débat», au pire un simple «jeu».
Un véritable pamphlétaire assume bien plus frontalement sa parole, et prend, sans autant de précautions, le risque de déplaire et de se faire haïr. Cest la loi du genre, ce sont les règles de la guerre.
Fabien Gris ( Mis en ligne le 08/10/2008 ) Imprimer | | |
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