| Frédéric Saenen Quatre femmes MaelstrÖm - Booklegs ! 2009 / 3 € - 19.65 ffr. / 35 pages
Frédéric Saenen collabore à Parutions.com Imprimer
Frédéric Saenen est un auteur dérangeant. Qui sest déjà frotté à son écriture «poétique» sest nécessairement enfoncé quelques épines dans les rétines. Sinsinuer dans les interstices des fausses évidences, se percuter à une intimité impudique faisant bloc et barrage, se perdre dans les dédales dune densité où tout est là et rien nest dit, cette expérience trouble, transcende et rebute à la fois.
Reconnu pour sa poésie acérée, cet esprit dune insatiable curiosité ne sest pourtant jamais cantonné aux vers. Au lieu de sencarcaner, Frédéric Saenen, poussé par une certaine urgence, décline sans cesse la littérature à travers ses lectures, ses activités de critique, de revuiste et dessayiste, et ses multiples collaborations, tout en résistant obstinément aux étiquettes stériles et asphyxiantes. Cest ce quil nous prouve encore dans son dernier recueil publié chez MaelstrÖm et inauguré par ce préambule : «Il ny a aucun lien entre les quatre textes que lon va lire, écrits à des moments, selon des sensibilités et dans des genres différents. Seule lidée de rassembler quelques portraits de femmes a favorisé leur rencontre. La première a hanté lhistoire ; la seconde, lactualité ; la troisième, mon imaginaire ; la quatrième, ma mémoire. Les cloisons qui les séparent sont donc étanches et ne font pas de leur succession une galerie. Elles ont en commun leurs qualités de présences, de fantômes, de passantes».
Quatre femmes tient ses promesses. Quatre femmes, quatre histoires, quatre incarnations. Et néanmoins une seule Voix, lancinante, qui simmisce en nous au gré de ses modulations. Si la confrontation des textes déconcerte de prime abord, lunité de lensemble affleure très vite. Quelles soient mère, icône, amante ou revenante, ces présences prennent corps grâce à un art remarquable de lévocation ; les personnages, ainsi approchés tout en finesse, gagnent en qualité d«êtres». Quant au style, déployé dans ces morceaux dâme taillés à vif, il simpose, sans concession, compact et échevelé, sous forme de litanies, monologues, narrations.
Avec insistance, Frédéric Saenen sonde, creuse, (tri)fouille les caractères et les mots. Dans une logique retorse, il place le lecteur dans la double posture dobjet et de sujet de cette intrusion. Car celui-ci est cerné : il se sent obligé daller «jusquau bout» et dexplorer des recoins quil aurait préféré continuer à ignorer
Labsurdité implacable de lexistence, la cruelle fuite du temps, la splendeur nichée au tréfonds de la crudité sont autant de pénibles constats qui se dégagent en filigrane, depuis plus dune décennie, des uvres de lécrivain ; mais ils ne sont en rien des vanités amères et des provocations maniérées de «poseur désabusé». Au contraire, cette expression fictionnelle émane dune sensibilité accrue (bien loin de toute sensiblerie), dune conscience agressée, dune intelligence frontale. Dès lors, les inflexions de Beau et de Bon dans ces pages nen deviennent que plus poignantes, car elles épousent un mouvement unique et contrasté, touchant aux nuances les plus noires ou lumineuses de lessence humaine. Rien de désespéré ici, que du lucide. Et cest avec plus de sérénité que lon aborde alors cette question : «Le sommeil de la raison engendre des monstres. Mais quengendre le sommeil des monstres ?» Quatre femmes, peut-être
Samia Hammami ( Mis en ligne le 30/09/2009 ) Imprimer | | |