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Plaisir victorien
Dan Simmons   Drood
Robert Laffont 2011 /  23,50 € - 153.93 ffr. / 876 pages
ISBN : 978-2-221-11400-1
FORMAT : 15,2cm x 24cm

Odile Demange (Traducteur)

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Le 9 juin 1865, Charles Dickens, écrivain adulé, voyage discrètement en direction de Londres… Discrètement car il a pris le train avec sa très jeune maîtresse, Ellen Ternan, ce qui le rend un rien nerveux… Mais sur le pont de Staplehurst, le train déraille et des wagons tombent dans le vide. Si Dickens et sa dulcinée s’en tirent sans égratignures, l’écrivain, parti au secours des victimes, fait toutefois une étrange rencontre, celle de Drood, un homme bizarre, aux allures de cadavre enveloppé de noir, qui siffle plutôt qu’il ne parle… et auprès de qui les blessés meurent sans explication. Troublé par cette rencontre mystérieuse, Dickens part sur les traces du personnage et entraine dans son équipée un autre écrivain célèbre, inventeur du roman policier, son ami Wilkie Collins. Et ils ne sont pas trop de deux, car pour partir en quête de Drood, dont on murmure qu’il fut un assassin revenu d’entre les morts à la tête d’une secte étrange, il faudra, plus de courage, une sorte de folie…

Le nouveau roman de Dan Simmons (Hypérion, Endymion, Ilium, Olympos, etc.) est un petit chef d’œuvre qui, dans un style old fashion, fleurant bon le pastiche victorien, entraine son lecteur aux côtés de quelques sommités littéraires victoriennes (Wilkie Collins et le très holmesien Charles Dickens), dans les bas fonds de Londres, sur les traces du très volatil Mr Drood… Une odyssée rythmée par les drames et les dames de la vie de Dickens, en plein démon de midi. Un Dickens étonnant, criant de réalisme : non plus l’auteur larmoyant d’Oliver Twist, mais un homme complexe, passionné, dur aux siens, d’une intelligence profonde, à la fois froid et efficace…

A la lecture, c’est la comparaison avec le personnage de Sherlock Holmes qui s’impose, invivable, fascinant, à mi chemin entre génie et folie. Car on est là dans une sorte d’uchronie légère : si la rencontre avec Drood semble avoir effectivement marqué Dickens au point que ce dernier en ait entamé un récit (Le Mystère d’Edwin Drood), le roman de Dan Simmons va plus loin, et envisage de suivre Dickens dans ce qui devient une véritable obsession, aux confins du monde rationnel. Certes, on pourrait alors se retrouver devant un simple roman fantastique, avec comme héros, un Charles Dickens assez réaliste… Mais Simmons a subtilement renouvelé le genre. L’effet de réel vient de ce qu’il mélange, très habilement, des éléments biographiques (et notamment l’affaire de Staplehurst, le roman Drood et le divorce), des essais de reconstruction psychologique (qu’il prête à Wilkie Collins, le narrateur) et un fantastique léger, mais récurrent. Entraîné par sa plume, qui retrouve avec aisance les modes du XIXe siècle, on bascule du monde faussement serein de la bourgeoisie littéraire victorienne, aux bas fonds, à l’occulte, au macabre.

Les amateurs du genre seront d’emblée conquis, et pour un peu, on se croirait revenu dans l’excellentissime Jonathan Strange and Mr Norell de Susanna Clarke, prix Hugo 2005 : même style délicieusement suranné qui interpelle le lecteur, même intrigue qui bascule doucement dans l’étrange, même fascination pour les replis de l’âme humaine et ses complexités. Dan Simmons a su, comme Susanna Clarke, broder sur une histoire très authentique (le Royaume Uni au temps de la reine Victoria, la Babylone londonienne…) un récit joliment fantastique, que ne renierait pas un Lovecraft, avec ses fantômes, ses criminels, ses lieux improbables (comme cette «ville du dessous» et ses enfants cannibales), ses fumeries d’opium, etc. A sillonner Londres, des beaux quartiers aux taudis les plus sordides, on se croirait dans le reportage que Jack London a consacré à la ville vue par un sans logis (Le Peuple de l’abîme) : même description quasi clinique des taudis londoniens, de la pauvreté qui bascule inévitablement dans le crime… Les ténèbres de Conrad sont là, à Londres, et sous les pas des gentlemen. La munificence des descriptions fait des merveilles, de même que le ton vaguement gêné d’un Wilkie Collins victorien en diable.

Un excellent roman, et la démonstration que Dan Simmons est décidément un grand maître.


Gilles Ferragu
( Mis en ligne le 18/11/2011 )
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