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Avant La Route
Cormac McCarthy   La Trilogie des confins
L'Olivier 2011 /  24 € - 157.2 ffr. / 1190 pages
ISBN : 978-2-87929-865-8
FORMAT : 14,4cm x 21,9cm

François Hirsch (Traducteur)

Patricia Schaeffer (Traducteur)

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De nombreux lecteurs français ont découvert Cormac McCarthy avec La Route (2008), ce roman assez court qui décrit l’errance d’un homme et d’un enfant dans une Amérique post-apocalyptique ravagée. Un texte puissant, marquant (et remarqué par de nombreux prix), qui révélait un style, un souffle, une plume. Avec cette Trilogie des confins, publication en un seul volume de trois romans liés (De si jolis chevaux, Le Grand passage, Des villes dans la plaine), les amateurs retrouveront avec bonheur un auteur singulier et virtuose : pas d’apocalypse mystérieuse cette fois, mais simplement un monde sauvage, brut, aux marges de notre société civilisée, un monde parcouru par quelques cowboys en quête d’ailleurs, un monde toutefois rapidement rattrapé par la civilisation qui corrompt les hommes, affadit les rêves et dilue les sensations.

Chaque roman est déjà porté par une quête : dans De si jolis chevaux, John Grady et son cousin, Lacey Rawlins, 17 ans au garrot, quittent le Texas, San Angelo, et une société dont les valeurs – entertainement et rentabilité – polluent, vont à l‘encontre de la vie qu’ils ont choisie, fondée sur une certaine tradition de l’élevage de chevaux, sur un lien, quasi symbiotique, avec la nature (via les chevaux dans le cas de Grady), sur une fascination pour la vie sauvage. Puisque le Texas ne veut plus des ranchs, alors il leur faut fuir, pour un monde moins civilisé, plus ingrat, où l’homme n’est pas encore le maître, mais juste un hôte de passage. Le Sud, le Mexique incarnent ce fantasme d’une vie encore sauvage, celle des grands corrals et des éleveurs de chevaux, un monde dont il faut connaître et accepter les règles, en assumer les rigueurs aussi. C’est une quête du même ordre qui habite Billy Parham, le héros du Grand passage : revenir à la nature, restituer à la vie sauvage, une louve blessée… Et là aussi, c’est le Sud, le Mexique, qui symbolise le but à atteindre, un grand nulle part rempli de déserts où le prédateur humain est encore rare.

Le thème de la rédemption s’impose également dans ces trois romans : de manière évidente chez Billy Parham, dont l’odyssée entend réparer les méfaits de la civilisation. Pour les héros de De si jolis chevaux, la rédemption est le fruit d’un processus plus complexe, qui mêle une histoire familiale tragique et la disparition d’un ranch… pour aboutir à la rencontre avec un adolescent, Blevins, candidat lui aussi à la fuite, fasciné par les cowboys et la marginalité, mais qui paiera le prix fort de son immaturité. John Grady porte, comme une croix, le poids de la mort de Blevins, dont les rêves faisaient échos aux siens. Rédemption enfin dans Des villes dans la plaine, autour d’une histoire d’amour qui finit mal…

Le fil rouge entre De si jolis chevaux et Le Grand passage est manifeste : refus de la civilisation, liberté de choisir un destin, retour à la nature et à un Sud mythifié… A cet égard, Des villes dans la plaine figure comme une sorte de morale (mais le terme est discutable), ou plutôt un épilogue aux deux premiers romans : Grady et Parham se croisent, se trouvent et se retrouvent autour de valeurs communes, d’un destin semblable. Mais la civilisation rattrape brutalement Grady, qui est amoureux, veut se marier. Et l’on peut voir dans la conclusion de ce dernier roman – une conclusion aux allures de western, avec son duel final – un écho, intime, de l’apocalypse qui a bouleversé la vie des héros de La Route. Car Grady, comme Parham dans une moindre mesure, va devoir payer le prix de ses choix et de cette liberté poursuivie dans le premier roman. Et à la vie sauvage incarnée par les chevaux «marrons» (non domestiques) ou par la louve, répond la sauvagerie de l’homme, plus nocive, que ce soit celle de chiens dressés pour la chasse, ou d’Eduardo, un cuchillero mexicain violent et cynique. Des villes dans la plaine, s’il n’est pas habité par le souffle des deux romans précédents, offre un contrepoint réussi et donne sa cohérence finale à la Trilogie des confins.

Plus d’un millier de pages dont on sort avec le sentiment d’avoir entrevu une sorte d’absolu, d’avoir effleuré une vérité. Un mélange littéraire de Into the Wild et Lonely are the Braves (un film de 1962, moins connu mais très réussi dans le genre du western contemporain). Certes, il faut parfois savoir dépasser le langage technique du cheval et de son élevage… mais même pour ceux que les chevaux laissent indifférents, on trouve quelques belles scènes (notamment celle du dressage de chevaux sauvages dans De si jolis chevaux) aux allures d‘épopée.

Alors qu’est-ce qui donne à ces trois romans ce charme singulier ? Le style, le souffle… Difficile de rendre compte d’une série de romans où le scénario se réduit finalement au strict nécessaire. On s’engage dans De si jolis chevaux et dans Le Grand passage comme sur une piste et, au bout de quelques chapitres, passés à cheminer aux côtés des personnages, partager leurs bivouacs, leurs conversations – réduites à l’essentiel, leurs rencontres (en espagnol le plus souvent ; aussi peut-il être bon d’avoir quelques notions de cette langue) et leurs travaux, on finit par se retrouver happé par le récit, pourtant avare de péripéties.

C’est là le talent de Cormac MacCarthy : avec un style sec et sobre, sans fioritures mais pas sans poésie, il plonge le lecteur dans une réalité autre, lui donne l’impression de cheminer avec les personnages, sur la route. Une lecture prenante, singulière, comme une alternative littéraire à la modernité : une expérience à faire.


Gilles Ferragu
( Mis en ligne le 26/01/2012 )
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