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Apocalypse Forever
Kent Anderson   Pas de saison pour l'enfer
13e Note Editions 2013 /  23 € - 150.65 ffr. / 330 pages
ISBN : 978-2-36374-029-8
FORMAT : 14,0 cm × 18,0 cm

Nathalie Bru (Traducteur)
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Il y a des livres qui se laissent lire, et des livres qui vous mettent des claques : en général, ce sont ces livres-là que l’on a envie de faire découvrir et de partager… Pas de saison pour l’enfer est de cette trempe. Si vous avez aimé Apocalypse Now, alors vous connaissez un peu Kent Anderson, dont le premier roman, Sympathy for the Devil, inspira le film.

L’histoire, largement autobiographique, d’un jeune homme cultivé de la ''middle class'' américaine, parti au Vietnam, engagé dans les forces spéciales, et qui, tout simplement, devient un chien de guerre. Mais Kent Anderson est revenu du Vietnam, bien amoché psychologiquement, traumatisé, un Vietnam vet’ (vétéran) dans toute sa splendeur, la version réelle de ce John Rambo imaginé par Hollywood. C’est le sujet de ce Pas de saison pour l’enfer, allusion à peine voilé à Rimbaud et à sa Saison en Enfer. Un théologien disait naguère que la guerre était une portion d’enfer sur terre, et à lire les souvenirs d’Anderson, on est tenté de le suivre… Non pas pour la seule horreur du champ de bataille, mais plutôt pour cette impression de liberté, de «licence» malsaine éprouvée par l’auteur quand il opérait derrière les lignes ennemies, presque nostalgique de ce temps.

Et pourtant, les dégâts sont là : des pulsions de violence, des envies de meurtre, une paranoïa quasi permanente, un problème avec les villes, les endroits confinés, les foules et l’humanité en général, et une fascination douteuse pour les armes à feu… Ce qui ne fait pas de lui un ''redneck'' bas du front. Chez Anderson, il y a au contraire une forme de distanciation, et l’homme, fataliste, jongle avec ses traumas, aidé dans un premier temps par l’alcool, la drogue, les chevaux. Anderson a toutefois trouvé dans la littérature un exutoire, presque une guérison, comme d’autres, les Ernst Jünger, les Erich Maria Remarque, etc. Sa violence, ses névroses, il les plaque sur le papier : écrivain rare, trop rare, on lui doit deux romans noirs autobiographiques et ce recueil de textes, jusque là inédit en français.

L’ouvrage se compose de nombreux textes, des reportages, des réflexions personnelles, des souvenirs, des chutes de Sympathy for the Devil. Qu’il nous traîne dans le Nord Vietnam des années 70 ou qu’il s’installe à son cabinet de travail devant la photo d’un lieutenant vietnamien mort au combat, qu’il se promène dans les conventions des suprématistes blancs ou qu’il assiste à un combat de coqs avec des chicanos au sang chaud, Anderson est à la fois extrêmement présent, et toujours un peu distant, presque blasé par le bruit des hommes.

Heureusement, il y les bêtes, les taureaux de corrida (dans un texte à l’ambiance Hemingway), les coqs de combat, les loups… des animaux également confrontés à la mort et à l’homme… et, comme une parenthèse de légèreté, ce poulain qu’il nourrit. Il nous emmène dans une autre Amérique, loin des métropoles, une Amérique populaire, fascinée par la violence, le combat, les armes, une Amérique déprimée où l’on se drogue pour oublier, où l’on conduit des camions à toute allure sur des routes enneigées pour retrouver le sentiment d’exister. Il y a un côté journalisme gonzo dans ces textes qu’un Hunter S. Thompson ne renierait pas : même force, même ironie qui n’épargne rien ni personne, même curiosité pour les marges et leurs habitants.

Alors pourquoi lire, et relire Anderson ? Déjà parce qu’il a du talent, un talent fou, qui s’est révélé dans ce paroxysme de violence que fut le Vietnam, parce qu’on a rarement décrit de manière aussi crue, et intense, la guerre, et le goût qu’elle a, parce que l’auteur est, plus qu’habité, hanté par son sujet, et qu’il sait y entrainer le lecteur, dans un style sobre, efficace, très personnel.

L’ouvrage important de Jesse Glenn Gray (Au combat, Tallandier, 2012), récemment publié en français, avait déjà observé cette «jouissance» que procure la guerre. Mais là où Gray se servait de la philosophie pour analyser, et, quelque part, prendre de la distance avec ce plaisir, Anderson le confesse crûment, dans un style âpre et fort qui donne à penser.

Un recueil incontournable pour quiconque s’intéresse à la guerre, comme phénomène, et à l’Amérique, celle des bas fonds et de l’échec, bien loin des fantasmes. Des textes d’une densité rare qui ont réconcilié un homme avec sa vie…


Gilles Ferragu
( Mis en ligne le 08/03/2013 )
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