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Alter ego
John Irving   A moi seul bien des personnages
Seuil - Points 2014 /  8,50 € - 55.68 ffr. / 589 pages
ISBN :  978-2-7578-4143-3
FORMAT : 11,0 cm × 17,8 cm

Première publication française en avril 2013 (Seuil - Cadre vert)

Josée Kamoun (Traducteur)
Olivier Grenot (Traducteur)

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William Abbott dresse à travers cinquante ans de sa propre histoire celle de la communauté que désigne aujourd'hui l'acronyme LGBTQ. L'histoire d'un enfant qui, de la petite bourgade de First River, au cœur du Vermont, deviendra écrivain reconnu de la cause. Un enfant grandi dans les jupons de... son grand-père ; orphelin, en quelques sortes, d'un père ayant fui sa mère pour des raisons longtemps mystérieuses ; et le théâtre. Papi se travestit sur scène, incarnant les matrones de Shakespeare, Ibsen ou Chandler, et toute la famille est enrôlée sur les planches, de la mère, souffleuse, au beau-père, Richard que Bill, au début, aime secrètement.

Confusion des sentiments, et celles des genres donc, que John Irving retranscrit le plus naturellement possible, et avec brio. Bill, à qui l'auteur prête sa voix, exprime avec la plus touchante sincérité ce demi-siècle de difficile apprentissage. Quand, d'abord, l'enfant doit se battre pour parler correctement, souffrant de problèmes d'élocution qui traduisent sans doute ses angoisses identitaires. Il ne prononcera "pénis" jamais autrement que "pénif". A l'orthophonie correspond donc une tentative de trouver, contre ceux forçant à suivre ''le'' droit chemin - à commencer par la mère - sa propre voie, sa propre voix. Bill sera écrivain et bisexuel.

Il s'amourache d'ailleurs simultanément de l'imposante bibliothécaire Miss Frost, personnage lui aussi hautement mystérieux, honnie par la mère et la tante, et qui l'introduit non seulement à quelques chefs d’œuvre de la littérature - dont Madame Bovary, œuvre centrale dans le roman - mais aussi à ses premiers amours à la marge ; amoureux aussi du bellâtre de la classe, Kittredge, lutteur à belle gueule lui non plus pas si clair dans ses tendances et sentiments. Un demi-siècle sera nécessaire pour lever les voiles sur ces âmes alambiquées avec, entre temps, la vie à deux, à trois, à New York, Vienne ou San Francisco, avec Elaine, amie d'enfance ayant subi l'avortement, proto-lesbienne intellectuelle avec qui Bill passe un bon quart de son existence ; Larry l'amphitryon universitaire rencontré dans un bar gay autrichien ; Tom Atkins la petit folle, compagnon d'un temps, celui d'un voyage en Europe et de la lecture de Flaubert ; et Gee, la jeune transgenre (au levant du 21ème siècle, on ne dit plus transsexuel), nouvelle protégée d'un homme à présent mûr, revenu enseigner dans le lycée où tout débuta.

La structure narrative est impeccable, comme le sont les caractères de personnages tout sauf caricaturaux. En près de 600 pages, John Irving dresse le portrait simple et touchant d'un autre que nous dont nous comprenons la différence et en qui, finalement, nous nous reconnaissons. Contre les coups de tocsins et l'hallali lancés par les représentants d'une pensée mesquine, l'immense auteur américain rappelle que la sexualité est affaire d'âmes, d'accord, d'entente et de créativité, et que le spectre des pratiques consenties entre deux, au-delà de la partition homo/bi/hétéro, est une vaste nébuleuse dans laquelle la sacro-sainte position du missionnaire revendiquée - avec quelle hypocrisie - par les jappants de l'anti-différence, n'est qu'une saveur parmi tant d'autres. Un goût, un simple goût, parmi tant d'autres. En chacun de nous, bien des personnages...

L'auteur ne fait pas l'économie, dans ce parcours historique, de l'évocation des nauséabondes années 80 qui, occupant un dernier quart du roman, en offre ainsi les pages les plus dures et les plus émouvantes, quand toutes ces âmes, frappées par le VIH, expirent les unes après les autres. Sans doute fallait-il un romancier de cette envergure pour dresser un tel panorama, et l’œuvre du temps aussi, à présent que cette décennie devient lointaine. Le roman se termine sur plusieurs notes d'optimisme, Bill retrouvant plusieurs de ces fantômes, et autant de trêves enfin signées ; beaucoup d'espoir enfin en la personne d'une jeune femme qui autrefois fut un petit garçon.

Véritablement magistral.


Thomas Roman
( Mis en ligne le 04/06/2014 )
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