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Cette France qu'on oublie de pleurer
Andreï Makine   Le Pays du lieutenant Schreiber
Seuil - Points 2015 /  6,90 € - 45.2 ffr. / 216 pages
ISBN : 978-2-7578-4630-8
FORMAT : 11,0 cm × 17,8 cm

Première publication en janvier 2014 (Grasset)
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C'est un cri de rage poli que pousse Andreï Makine dans cet essai amer autant que sincère. L'expression d'un raz-le-bol contre la France qui tombe, qui jouit et qui oublie : qui oublie qui elle est, d'où elle vient, à qui elle doit, de s'aimer, de s'indigner, qui oublie d'être France, plurielle et orgueilleuse, métissée et cultivée, respectueuse, avec panache.

Bref, une France historique et littéraire, disparue et fantasmée, rêve qui prit chair dans une âme adoptée, exogène, slave même ! Bigre, un Russe pour remettre les Français à leur place et la France sur son piédestal ! Un cri de rage poli car Makine se sait impuissant et jouit d'un esprit noble. Un cri qu'il illustre sous les traits d'un Français exemplaire – Alexandre Jardin dirait «un zèbre» : Jean-Claude Servan-Schreiber. Un héros négligé, combattant de la France Libre disparu dans les petits trous noirs dont les historiens poinçonnent les manuels officiels, silhouette floutée par les tonitruants éclats d'une famille plus qu'une famille, une dynastie. Juif républicain, soldat héroïque, aujourd'hui vieil homme discret.

C'est à l'occasion de la publication de Cette France qu'on oublie d'aimer que les deux hommes se rencontrent, qu'une amitié se tisse. Jean-Claude sait gré à Andreï d'avoir trouvé les mots justes, les maux justes. Makine entre alors dans l'intimité de l'homme, sirote ses récits, de guerre et d'après-guerre : jubilatoire, le portrait de festifs existentialistes germanopratins dont la soif d'engagement pesait d'un poids de plume... Corrosif, le face à face d'un soldat et ses sacrifices avec de jeunes intellos jouisseurs et élucubrés. Délicieux encore, le soufflé de Servan-Schreiber à un Camus surtout engagé auprès de sa femme...

Au cœur du récit, une défaite littéraire et éditoriale : la mise au pilon des souvenirs du vieil homme, pour lesquels Makine s'était personnellement battu, bravant les éditeurs et leurs soucis de chiffres, jusqu'à ce qu'un seul, Pygmalion, les édite... pour ne pas parvenir à les vendre et donc les détruire finalement : juin 2010, nouvelle débâcle pour celui qui connut la "drôle de guerre" et ses suites. Parce que la France est amnésique et lotophage, adore Hanouna, adule les candidats à voix ou à spatules des écrans de la télé-réalité, Loana en veau d'or, Trierweiler en piéta, Julie Gayet en Du Barry du pauvre. Forcément, un papi résistant, sur la scène où se joue pareil charivari... La France.

Makine en fait-il trop à jouer les pleureuses regrettant une France éternelle ? On ne le croit pas. La plume est suave bien qu'en colère, le ton est sincère, le style sublime. Et la France, au final, n'est-ce pas cela ? Ce classique agencement des mots, un rythme, une musique riche en chuintantes, en douces labiales, cet esprit de contradiction, qu'on dira dialectique, décorticage en oui-mais des propositions, Decartes en démineur méthodique des vérités surfaites, et l'écrivain en artisan du refus, les yeux rivés, humides, vers le passé et la poussière de vélins jaunis...

Et puis, même si Makine chouine, on a envie de chouiner avec lui... et dire aussi merci au lieutenant Servan-Schreiber.


Thomas Roman
( Mis en ligne le 18/02/2015 )
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