| Maurice Audebert Tombeau de Greta G. Actes Sud - Babel 2013 / 7,70 € - 50.44 ffr. / 144 pages ISBN : 978-2-330-01783-5 FORMAT : 11,0 cm × 17,8 cm
Première publication en août 2007 (Actes Sud) Imprimer
Homme de théâtre, agrégé de philosophie, Maurice Audebert prend pour son deuxième roman (après Heureux qui comme Ulysse) Greta Garbo comme sujet ; «bateau sans amarres», Greta G. se construit progressivement, par touches intimes ou superficielles, drôles ou dramatiques, garde son mystère et donne au lecteur limpression de mieux lapprocher tout à la fois. La couverture est à limage du texte : superbe, en noir et blanc, avec des jeux de lumière, énigmatique visage/sculpture, main appuyée sur le front. Le texte est beau et mystérieux, elliptique.
Maurice Audebert campe un décor étrange, posé dès la première ligne : «La Villa ne fut sans doute, au commencement, que le projet dun architecte dément, mais qui dut rencontrer plus fou que lui puisquil finit par le réaliser». Une atmosphère nocturne, dans une nuit éclairée des lueurs dun incendie, de la folie des hommes
Deux serviteurs, Sigrid et Gustaf, au service de la diva, qui passe comme une ombre austère. Pour meubler loisirs et espace, Gustaf construit des aménagements hétéroclites dans les immenses pièces, à laide de décors de récupération. Le narrateur qui écrit le texte nous en dit peu, le moins possible, et sur lui et sur la femme quil accompagne ; dire quil «partage» sa vie serait excessif !
Le lecteur le suit, fasciné dans cette évocation du monde dHollywood, mais là où l'on ne lattend pas
dans le silence de la nuit, le silence de celle qui, star parmi les stars, a choisi de se taire, de ne respecter aucune des lois du milieu sauf celle-ci : faire parler de soi ! Et encore, contre sa volonté. «Je crois quils ne parvinrent jamais à la comprendre : dans cette jungle, où chacun luttait pour réussir et se hisser au sommet, passait un étrange animal, comme distrait et la démarche ennuyée».
Du narrateur, tout aussi silencieux en dépit des apparences, nous saurons peu de choses : il est autrichien, a fait la Première guerre, il collectionne les photos de fesses de jeunes filles ou de femmes et montre sa collection, entassée dans des cartons, à quelques visiteurs. La Mort est aussi lun des personnages du roman, mort qui rôde partout : dans la maison étrange, dans le souvenir de larchitecte disparu, absent dès linauguration de la Villa, mort que porte en lui le narrateur, mort des hommes qui entourent Greta, mort annoncée par le beau titre : Tombeau de Greta G.
Un très beau livre, sobre, émouvant, fort bien écrit.
Marie-Paule Caire ( Mis en ligne le 08/04/2013 ) Imprimer | | |