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Un cygne parmi les canards
Gabriel Matzneff   Vous avez dit métèque ?
La Table Ronde 2008 /  21.50 € - 140.83 ffr. / 415 pages
ISBN : 978-2-7103-3087-5
FORMAT : 14cm x 20,5cm
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Cinquante ans de littérature, un itinéraire spirituel hérétique mais intensément vécu, des amitiés indéfectibles, des passions schismatiques, bref une soif inextinguible de vivre… Voilà ce dont atteste à nouveau Vous avez dit métèque ?, le dernier recueil en date des textes critiques de Gabriel Matzneff, que publie la Table Ronde. Et il y a fort à parier que cet ensemble sera rétrospectivement jugé comme l’une de ses meilleures cuvées. Le lecteur y retrouve en effet un Calamity Gab déployant sans fléchir sa diététique de la liberté, avec verdeur et panache, au mépris de ses bêtes noires : les grincheux, les moralisateurs (à distinguer des moralistes) et les sycophantes de tout poil.

Dans cet ouvrage foisonnant, les lettres ouvertes ou inédites côtoient les articles de fond sur l’orthodoxie face au monde moderne, l’écriture du journal intime ou le suicide philosophique. Des considérations de prime abord anecdotiques et primesautières (sur la piscine Deligny ou telle charcuterie fine) voisinent avec des réflexions d’une tonalité autrement grave à propos du martyre du peuple arménien ou la disparition d’êtres chers – les oraisons les plus émouvantes étant celles dédiées à la mémoire de Jean Grenier ou du jeune soldat Dimitri Voronine, tombé au Tchad en 1970. Enfin, aux textes acides à l’adresse du Général ou du nouvel ordre moral incarné par la rapicolante Ségolène Royal succèdent les exercices d’admiration, pour saluer Byron, Nimier, son maître Montherlant, Hergé ou, rencontre inattendue dans le peloton de tête, J.K. Rawling !

Cette variété de genres et de registres tranche définitivement avec l’image dégagée et désinvolte qui colle à l’auteur. Matzneff n’est pas qu’un dandy se prélassant une moitié de son année à la brasserie Lipp et l’autre dans quelque hôtel de Manille. Il est un infatigable travailleur, un observateur attentif du monde – minuscule ou majuscule – dans lequel il évolue et, surtout, un styliste de haute lice.

Se réclamant des philosophes sceptiques, Matzneff porte sur l’actualité (quand il daigne s’y intéresser…) un regard lucide, souvent désenchanté, parfois cruel. En tout cas, jamais gratuitement cynique. Il suffit, pour s’en persuader, de l’entendre s’exprimer sur la politique étasunienne. Sont-ce les effets des jeux inexorables de Saturne ? La nostalgie s’impose dans de nombreuses pages, et elle ne va pas sans céder le pas à une certaine amertume quand, très vieille France, il constate avec désarroi l’effritement des bonnes manières, la submersion des lieux de qualités par les hordes de touristes, la disparition des derniers refuges qui résistaient vaille que vaille à une modernité dévastatrice.

Si Matzneff étonne davantage cette fois, c’est qu’il ose aborder sans détour une question qui lui tient à cœur depuis sa prime jeunesse, à savoir sa situation de «métèque» en France, qu’il revendique fièrement plutôt que de la dissimuler comme quelque maladie honteuse. Il se gausse donc de «ce retour aux racines qui est tant à la mode, [de] ce barrésisme de bas étage dont on nous casse les oreilles […], [de] cette apologie du droit du sang au dépens du droit du sol, [de] cette soudaine prolifération de l’adjectif “identitaire” que l’on chercherait en vain dans le Littré». De la préface à l’ultime article sur la mort inopinée de son ami Topor, court, en fil d’Arianne, la conviction rivarolienne que la patrie d’un écrivain est avant tout la langue dans laquelle il écrit. Et Matzneff, de toute évidence, n’a pas démérité de la sienne. Sa prose, malgré quelques tics qui peuvent irriter, file à son but, avec souplesse et vigueur. Elle trouve sa place là où le règne de la qualité s’est imposé, des colonnes de Combat à celles du Monde, de La Nation française à Gai pied, des journaux de mode à certains actes de colloque. Signe des temps : la présence croissante de nombreux articles signés sur son site (www.matzneff.com) envisagé comme espace de liberté totale au regard du musellement volontaire que s’impose la grande presse contemporaine.

Certains vous conteront que le démon à la plume fourchue a viré réac’ et barbon, qu’il ne sait plus parler que de bondieuseries à la grecque et que tous ses amis de gauche sont morts depuis le siècle passé. Laissez-les barboter et cancaner ; vous avez un cygne à rejoindre. Il porte un beau nom en –eff et n’en est ab-so-lu-ment pas à son dernier chant !


Frédéric Saenen
( Mis en ligne le 21/11/2008 )
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