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Littérature -> Policier & suspense |
| Franco Di Mare Diables au paradis Liana Levi 2014 / 19 € - 124.45 ffr. / 288 pages ISBN : 978-2-86746-726-4 FORMAT : 14,0 cm × 21,0 cm
Marianne Faurobert (traduction) Imprimer
Le titre ''Diables au paradis'' du dernier roman du napolitain Franco di Mare, reporter de guerre puis journaliste TV, fait référence au philosophe Benedetto Croce qui décrivait Naples en ces termes : «un paradis habité par les diables». Les diables éponymes sont ceux de la Camorra, la mafia napolitaine. Et la devise de F. di Mare pourrait être : «corrompus, les meilleurs deviennent les pires» (p.161).
Carmine Cacciapuoti est le principal protagoniste de lhistoire, un honnête garçon qui se voit devenir pire que les autres, de son propre point de vue. Chercheur universitaire en philologie romane, il a fait une thèse de doctorat sur la langue de Naples. Son professeur lui ayant volé sa thèse et layant trahi, il na plus aucun débouché, il se retrouve sans travail ni futur. Un ancien ami denfance, sorti de prison, devenu le «boss» du quartier, lui propose une mission, devenir lexécuteur des basses uvres et «livrer des paquets», ou tuer une personne désignée par la Camorra en suivant la tradition, une balle dans la tête, «la botta nfaccia». «Une injustice avait transformé un homme droit en ange exterminateur au service de la Camorra» (p.237).
Mais Carmine a des principes et ne se sent pas à laise comme tueur à gages. Il contacte par téléphone un journaliste du Matin de Naples et corrige le récit dun meurtre écrit par ce journaliste qui comprend que son interlocuteur est impliqué dans lhistoire. Carmine confesse pratiquement son sale boulot, sa situation entre le bien quil espérait et lassassin froid et implacable quil est devenu, rongé par la culpabilité et la honte. Il enrage de navoir pas pu devenir «professeur», la plus belle reconnaissance sociale dans ce quartier pauvre napolitain. Il a une double vie, prétendant être représentant en informatique auprès de sa fiancée à qui il est obligé de raconter tous ces mensonges pour couvrir ses activités peu recommandables. «Il sétait inventé une vie parallèle, lui livrait à doses homéopathiques les noms de ses collègues imaginaires, prétendant que son entreprise était basée à létranger, quelle navait pas de bureau à Naples»(p.94).
Le nud du roman est le doute, caché mais brûlant comme le feu sous la cendre, qui tenaille le jeune homme. Quand ses patrons lui font exécuter un innocent père de famille sans lien avec le Crime et qui refusait de céder au «pizzo», le racket opéré par la Camorra sur tous les artisans et commerçants, cest le déclic. Carmine ne supporte plus sa vie de meurtrier ni ses fréquentations. Lhistoire se termine mal, dans la logique mafieuse. «Une mort honorable vaut mieux quune vie honteuse», dit Carmine, citant Tacite.
Franco di Mare nous raconte sa ville mêlant excès et normalité, corrompus et personnes honnêtes... ou presque. Nous lisons entre les lignes son amour pour sa ville, avec ses taudis et ses palais, ses défauts dans leurs moindres détails, loin des lieux communs. Cest un roman nimbé damertume, une histoire à travers laquelle il est difficile de ne pas compatir aux malheurs de Carmine. Un roman policier qui n'est pas un roman noir tant Naples est solaire... «Un des problèmes endémiques de la ville avait été décrit et analysé par le sociologue américain Edward Banfield : cest lui qui avait défini le concept de famillialisme amoral
Dans le midi et à Naples qui en est la capitale, on ne respectait les règles que si celles-ci nallaient pas à lencontre de la famille, du groupe, du clan» (p.114).
Eliane Mazerm ( Mis en ligne le 05/05/2014 ) Imprimer | | |
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