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Littérature -> Policier & suspense |
| Alexis Aubenque 7 Jours à River Falls Calmann-Lévy 2008 / 16,90 € - 110.7 ffr. / 372 pages ISBN : 978-2-7021-3919-6 FORMAT : 15,0cm x 23,0cm Imprimer
Le moins quon puisse dire, cest que nous assistons ici à un crime atroce. Contre la littérature. Car, le fait quelle soit «de genre» ainsi que la quatrième couverture nous le sous-entend pudiquement ne justifie en aucun cas pareil attentat contre le bon goût, le bon sens, et passe en plus sous silence, malheureusement pour Alexis Aubenque, ce qui pourrait sans doute savérer sa principale circonstance atténuante. En effet, disons-le tout de suite à sa décharge, il est auteur de science-fiction et cest probablement pour regrouper sous une même étiquette commode lensemble de sa production et donner ainsi au tout un vague semblant de cohérence que certains ont recouru à cette dénomination.
Bien sûr, il y a des meurtres, dégoûtants à souhait et intervenant dans un univers caricaturalement aseptisé, avec des étudiantes au corps sculptural (évidemment) qui sortent avec des footballeurs (le contraire eût été étonnant) et sont aussi libérées, sexuellement, quon peut lattendre de jeunes Américaines, nest-ce pas. Il y a aussi une équipe de police formidable, jeune et soudée, au sein de laquelle lunique pion défaillant est de toutes façons un ancien délinquant (on se demande même comment est-ce que le chef a obtenu le droit, dans un scénario pareil, de ne pas le démasquer dès le début) et ne sert que de faire-valoir à la vertu, à lintégrité, et au dévouement de toute cette grande famille ; et, pour rajouter encore une petite touche émouvante à cette impression déquilibre rassurant, un couple valeureux shérif/agent du FBI : ça fait joli et ça ne mange pas de pain. Quant au serial killer, il est si cruel et si méchant, depuis tout petit déjà, que tous les autres personnages ont le droit de souhaiter sa mort dans datroces souffrances et ne sen privent pas foin de considérations politiquement correctes, allons. Mais, au moins, il a un personnage crédible sur un plan purement logique, ce que lui envieraient sûrement bien des personnages du roman.
Sur le plan narratif, plutôt que dintroduire un suspense véritable tout au long du roman, lauteur préfère ne pas prendre de risque : il commence par une petite course-poursuite macabre dans la forêt au bord du lac, au cours de laquelle deux petits garçons tentent déchapper à ce quon ne peut quappeler leur destin, dans lobscurité toute griffée de branches. Il est expressément conseillé davoir bien gardé en mémoire limpression délicieuse que cet exercice de style naura pas manqué de produire sur votre esprit, car en fait de longues traques haletantes, il ny en a guère par la suite. Difficile dautre part de se consoler en jouant les détectives puisque rien ne permet de relier le tueur à ce que le lecteur apprend avec lenquête, si ce nest, arrivé à la moitié du livre, la présence de paragraphes en italiques comme autant de retours en arrières sur les premières expériences sadiques du meurtrier, eux-mêmes consciencieusement coupés du reste de lhistoire.
Finalement, pour ressentir en dépit de tout quelques frissons, le lecteur est invité à se repaître de scènes de torture et faire le lien avec le reste de lintrigue pour avoir peur de lassassin ; formidable paradoxe de la part dun auteur qui décrit les journalistes comme des charognards, et sindigne de ce quon puisse faire ses «choux gras» dun tel drame. Intelligente, la profileuse du FBI lest décidément beaucoup, puisquelle va même jusquà blâmer non seulement les médias, «mais aussi les millions de téléspectateurs qui allaient passer le week-end devant leur poste de télévision afin dapercevoir lune des victimes ou encore le visage traumatisé des survivants. La fascination de la souffrance. Le voyeurisme banalisé».
Cette ultime leçon de morale laisse pantois, après celles qui consistaient à mettre en garde contre la discrimination envers les musulmans (qui peuvent parfaitement savérer sensibles aux problématiques féministes), ou bien envers les gothiques (qui, même si leur accoutrement est très laid, ne sont pas tous satanistes), ou bien lavertissement utile «lhabit ne fait pas le moine» (il y a des prêtres pédophiles et les juges comme les recteurs duniversité peuvent être tentés par la fornication).
Trouvés sous la plume dun écrivain capable de rédiger tout un livre sur la base dune trame particulièrement salace et de quelques tableaux répugnants, tous ces conseils ne peuvent être que bons à prendre.
Aurore Lesage ( Mis en ligne le 09/07/2008 ) Imprimer | | |
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