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| Thierry Laurent Mordre Editions Héloïse d’Ormesson 2005 / 18 € - 117.9 ffr. / 244 pages ISBN : 2350870081 FORMAT : 14x21 cm Imprimer
Thierry Laurent, ancien commissaire priseur, critique dart et professeur dart contemporain, donne avec Mordre son premier roman. Largument nest pas neuf, après Kafka et, plus près de nous, Marie Darrieussecq, le thème de lanimalité a déjà été largement exploité. On aurait pu craindre le pire...
Thierry Laurent imagine un notaire respectable et un peu ennuyeux : Henri Noguerre qui, progressivement, membre après membre, se transforme en chien. La violence de la transformation étant légèrement atténuée par lélégance de la nouvelle forme : celle dun golden retriever. Quoi quil en soit, maître Noguerre ne peut échapper au dilemme qui soffre à lui : comment mener une carrière qui sannonce belle et une morphologie dérangeante. Questions subsidiaires : à qui- à quoi- attribuer cette métamorphose ? et les autres lobservent-il dassez près pour la remarquer ? Peut-il y échapper, la masquer et en a-t'il réellement envie ? Ne peut-on trouver de multiples bénéfices secondaires à lanimalité dans notre société qui se prétend policée ?
Le titre du roman, Mordre, souligné par une phrase en bas de la couverture, «la faim justifie les moyens», symbolise les envies neuves et puissantes du héros qui passe dune vie aseptisée et conformiste à la brutalité de désirs qui sexpriment sans retenue.
Le récit fantastique est mené avec talent et le lecteur suit doucement cette évolution hésitant entre réalisme et symbolisme. Une clé est donnée très vite qui réside dans les rapports entre le héros et une femme Béatrice (prénom qui rappelle Dante et lun des éternels féminins occidentaux). La citation de Sade placée en exergue : «Jaime ta férocité, lui dit-elle, jure-moi quun jour, je serai ta victime», donne sa couleur au roman.
Plusieurs thèmes sentremêlent : lhistoire damour, de fascination/domination entre les deux personnages, et la critique sociale. Ce second thème, dailleurs moins réussi, névite pas les clichés habituels sur la bestialité de nos comportements et tempéraments, et la jungle des rapports mondains. Lintérêt du lecteur demeure cependant soutenu par lhabileté du conteur, les coups de théâtre et retournements de situation, de la forme humaine à la forme animale. Les pistes offertes par lanimalité sont explorées avec jubilation, et lensemble constitue un texte plutôt réjouissant. Jusquà la dernière ligne Thierry Laurent semploie à dérouter et surprendre le lecteur.
Les toutes jeunes éditions Héloïse dOrmesson offrent ainsi un ouvrage soigné qui pourrait bien être remarqué dans la cohue de la rentrée littéraire.
Marie-Paule Caire ( Mis en ligne le 25/08/2005 ) Imprimer | | |
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