| Benjamin Loyauté Jérôme Faggiano Nils Herrman Pierre Cardin évolution - Meubles et design Flammarion - Styles et design 2006 / 65 € - 425.75 ffr. / 215 pages ISBN : 2-08-011470-0 FORMAT : 26,0cm x 29,5cm Imprimer
Cardin, cest un empire, un nom qui est aussi un mode de vie, de voir, dêtre. Bien avant Starck, le styliste designer fut le premier sans doute à concevoir son art dans une totalité à la fois esthétique et pratique : le luxe certes, mais, pour la première fois, non sans un certain acoquinement avec les masses. Inventeur du prêt-à-porter, Pierre Cardin inaugura lère, aujourdhui dans une sorte dapogée (des lampes IKEA aux fourchettes plastique de Philippe S., en passant par la montée en puissance des Habitat et autres enseignes ès design et jolies choses), de la production de masse
Cardin, impérial en somme.
Cest à cet empire esthétique et à son autocrate inspiré que les éditions Flammarion consacrent le présent ouvrage. Un luxueux objet pour un César du luxe, plutôt côté choses et non côté tissus et autres matières textiles raffinées et audacieuses. Si le stylisme est bien présent, cest au mobilier que lon sintéresse ici avant tout ; Cardin lui-même ne se définit-il pas comme architecte ?... Mais laudace demeure, inscrite dans un savoir-faire et une tradition : un mobilier haute couture, pour ainsi dire, où une poésie futuriste, aujourdhui patinée et marquée par son aura très «seventies», habille le bois formé dans la plus pure tradition de lébénisterie : la laque, le polyuréthane, le caoutchouc font le reste, maquillant un bois dont les formes empruntent à un étrange no mans land, entre une province dOrient et une plaine martienne
Au fil des pages, le regard se perd rêveusement le long de ces formes ovoïdes et pyramidales, dans la géométrie pop, modern/rétro, parfois kitsch (semble-t-il aujourdhui), de ces créations insolentes et sublimes.
Louvrage suit une géographie cardinienne : les boutiques (celle de Milan, vertigineuse yourte lunaire), la galerie Environnement du Faubourg Saint Honoré, lEspace Cardin
et, plus déroutant encore, le fameux palais bulles, «un monde troglodyte au confort prénatal» (p.97), chapelet sphérique évoquant à la fois les habitats berbères et 2001, LOdyssée de lespace, rosaire rosé sur la côte dAzur.
Cardin : une écurie, une équipe, une marque. Cet empire multidimensionnel passe par des noms eux aussi fameux : Francesco Boccola, François Cante-Pacos, Maria Pergay, Serge Manzon, et dautres. On pense aux lampes Yamada Shomei
Toute une école qui, née autour de la Biennale de Milan en 1968, a revendiqué un droit à limaginaire avec la puissante légitimité dune avant-garde. Dès lors, on ne peut sempêcher de penser que cet art là demeure dexception et que la «cardinisation» des esprits sut garder en valeur et classe ce quelle aurait pu perdre dans la production à la chaîne. Si Cardin démocratisa le design, Starck et ses compères lont peut-être banalisé...
Louvrage, organisé par Benjamin Loyauté (critique spécialisé, notamment à The Architectural Digest), dévoile clairement cet univers esthétique : une interview de Cardin amorce litinéraire alors quune seconde avec Marc Newson (autre designer total, plus inscrit dans notre époque) le clôt. Les photos (certaines, trop petites) sont superbes ; un index et une bibliographie complètent lensemble, pour qui souhaiterait poursuivre lexploration de ce monde étrange, à la lueur dune lampe
Cardin, il va sans dire !
Bruno Portesi ( Mis en ligne le 18/10/2006 ) Imprimer
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