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Biographie d'une abbaye : Fontenay
Louis André   L'Abbaye de Fontenay - De saint Bernard au Patrimoine mondial
Herscher - Les destinées du patrimoine 2003 /  22.95 € - 150.32 ffr. / 160 pages
ISBN : 270112932X
FORMAT : 17 x 24 cm
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Le World Trade Center, Le Creusot, La Saline royale d'Arc-et-Senans, Le Château d'Anet... Des monuments qui appartiennent au patrimoine mondial. Que nous connaissons, fréquentons. Des monuments qui, parfois tristement, sont remis à l'honneur. La littérature qui leur est consacrée est déjà abondante : souvent, de jolis livres ornés de belles photos magnifiant les lieux, mais au détriment de leur histoire.

Loin de cela, les éditions Belin-Herscher présentent une petite collection intitulée «Les destinées du patrimoine». Leur démarche est originale et ambitieuse : présenter une véritable biographie d'un monument. Nous y pénétrons à travers l'envie, le génie ou la passion des fondateurs. Nous poursuivons par la période d'apogée, le temps de la magnificence. Puis, alors que la majorité des livres s'achèvent sur ce moment de splendeur, «Les destinées du patrimoine» prolongent l’aventure ; c'est à présent l'instant de la décrépitude, le moment de l'oubli qui est mis en valeur. Jusqu'à aujourd'hui, et demain.

Fontenay a connu trois vies. Louis André, ancien conservateur du patrimoine, maître de conférence à l'université de Rennes 2, nous les présente. Le plus connu est sans doute «le temps de la prière». Fondée en 1119 par saint Bernard, cette seconde fille de Clairvaux est un retour aux sources bénédictines. Jouissant d'une grande réputation, pendant plus de deux siècles, l'abbaye prend de l'ampleur. Fidèle à la Règle de saint Benoît, Fontenay prône une esthétique du dépouillement, une stricte simplicité. Ce qui plaît tant aujourd'hui. Et de nos jours, l'abbatiale de Fontenay, la plus ancienne église des générations cisterciennes parvenue jusqu'à nous (depuis la disparition de celles de Cîteaux, Clairvaux ou Trois-Fontaines), possède une valeur de souvenir de l'architecture originelle de l'Ordre. Cependant, on regrettera dans ce livre l'absence cruelle de photos ! Au centre de l'ouvrage, se cachent seize (trop) modestes planches couleur. Seize planches pour évoquer la splendeur atemporelle, le charme enchanteur d'une des plus célèbres abbayes... c'est peu.

On apprend ensuite que la guerre de Cent Ans porte un coup fatal à l'ensemble des abbayes cisterciennes. Jusqu'au XVIIIe siècle, Fontenay papillonne, survit. La Révolution française chasse la communauté, soit huit moines, qui hantait encore ces bâtiments délabrés. Le domaine est mis en vente au titre de bien national. Et comme de nombreuses abbayes rurales, Fontenay se convertit à l'industrie. C'est un renouveau : «la papeterie, le temps de l'industrie». Les bâtiments bénéficient de nombreux atouts : amples surfaces adaptables, force hydraulique déjà utilisée par les moines, logements... Les bâtiments médiévaux servent de réserves lapidaires ; on déboise son écrin, on construit des espaces industriels aux côtés de ceux, cisterciens, qui tombent en ruine. Mais grâce à Viollet-le-Duc lui-même, les contemporains deviennent sensibles à l'intérêt archéologique de l'abbaye et dès 1852, Fontenay, en plus de ses activités papetières, devient Monument historique.

En 1906, Edouard Aynard, grand politicien et bourgeois libéral lyonnais, rachète le domaine de Fontenay. C'est le début de sa troisième métamorphose, «la renaissance, le temps du patrimoine». A travers de nobles desseins, la famille Aynard reflète un esprit sensible, d'avant-garde : délivrer l'abbaye de «sa guangue industrielle» et entreprendre la restauration des bâtiments cisterciens. Et depuis lors, la famille Aynard, toujours propriétaire, prend amoureusement soin de ce domaine. Tâche particulièrement délicate face aux hordes de touristes estivaux... En guise de consécration, l'abbaye de Fontenay et son vallon sont classés, depuis 1981, au Patrimoine mondial de l'Humanité, par l'Unesco.

Avec un ton précis, mais jamais ennuyeux, Louis André nous convie à «une visite privée exceptionnelle», une jolie épopée. Cette idée de biographie de monuments est innovante et intéresssante. Malheureusement, les illustrations manquent cruellement ; ce livre est d'une austérité quasi-cistercienne ! Le lecteur érudit est aussi à la recherche d'un peu de gaîté, de couleur, d'une once de plaisir. Lors de cette visite au fil du temps, il souhaiterait aussi être ébloui, séduit par la beauté des lieux qui sublime la renommée de Fontenay... Regrettable.


Noémie Wansart
( Mis en ligne le 26/01/2004 )
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