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Icare ne chutera pas
Joel Meyerowitz   Lendemains - Les archives du World Trade Center
Phaidon 2006 /  75 € - 491.25 ffr. / 349 pages
ISBN : 0-7148-9681-0
FORMAT : 27,5cm x 38,0cm

Traduction de Philippe Mothe.
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«De toute façon, je reviens dans une semaine. Elle seront toujours là», se serait dit Joel Meyerowitz en photographiant sans conviction les deux tours du World Trade Center le 5 septembre 2001…

Et ce n’est que le 23 septembre suivant, au prix de démarches politico-administratives décourageantes, passant par quelques contacts dans la bureaucratie new-yorkaise, des tentatives auprès du maire Giuliani, et beaucoup de ténacité, qu’il retournera sur ce qui sera devenu une «scène de crime», six hectares et quelques de ruines et un nom pour un lieu de mémoire : Ground Zero. Avec la conviction que la photographie devait immortaliser ce moment historique, laisser quelques traces à la foi des ruines et de la reconstruction. Car un espoir ingénument américain guide l’œil du photographe, une énergie née du sursaut : nettoyer, déblayer, reconstruire. De septembre 2001 à juin 2002, Meyerowitz, génétiquement new-yorkais, arpente les décombres, capte des ambiances, sympathise de l’objectif avec les femmes et les hommes, pions acharnés à panser l’urbaine blessure, les pompiers et les policiers, les métalliers et les soudeurs, les découpeurs et tous les bénévoles, ceux qui viennent distribuer de la nourriture aux hommes de l’après 11/09.

Seul photographe à être continûment présent à Ground Zero, Meyerowitz nous familiarise avec la topographie, cette étrange géologie faite de gravats, de ferrures, d’objets vestiges, ici un livre, là une poupée, ailleurs un morceau de fémur… des boutiques dévastées, des restaurants désertés, des troncs d’arbres sectionnés. La scène demeure irréelle, avec ses faux airs de Rome antique ou de Pompéi sous les cendres, le tout sous cette pellicule grise et poussiéreuse : «l’incroyable enchevêtrement des décombres et la force brute du lieu».

Mais ce qui fait la force de l’ouvrage c’est qu’aucun décadentisme ni aucun désarroi ne l’anime, répétons-le. Au fil des pages, le squelette de béton et d'acier s’efface, se réduit au gré de la noria des semi-remorques, des marteaux piqueurs, des scies à métaux. La pyramide devient trou, dont le dernier pylône est évacué le 30 mai 2002. En enchâssant photos des ruines et celles des hommes qui les ont progressivement dissoutes, Meyerowitz participe de cette geste typiquement américaine, et il y a chez ces cols bleus à casques et gros bras un écho évident avec ceux à la Lewis Hine photographiés dans les années vingt et trente, les constructeurs de gratte-ciels, ces anonymes Icares déjouant le vertige. Preuve supplémentaire de cette très américaine capacité à alimenter une mythologie nationale, à créer ses héros et sublimer dans le quasi-instant (5 ans à peine) ses blessures. Comme le titre le signale, il est donc bien ici question d’avenir : pas un seul cliché sur le désastre, aucune photo des journées faisant immédiatement suite au cataclysme. Le photographe peut arguer qu’on lui empêchait l’accès à la scène principale, n’y eût-il pas eu aussi un grand intérêt à capter les avenues empoussiérées et désertes, le ciel obscurci et les new-yorkais de l’exode, fuyant Manhattan ? Pas si le propos est de tourner la page et, d’une certaine manière, de nier l’événement en soi, trop dramatique : quatre clichés présentent les tours jumelles sous différentes lumières en préambule. Ensuite, ce sont leurs ruines que l’on voit disparaître. Mais l’Amérique abasourdie, déconcertée, blessée, détruite, n’apparaît pas en soi.

De la sorte, on ne peut parler ici ni de vrai ni de beau, pas même de réel, mais d’une reconstruction par la photo d’une reconstruction. Le texte accompagnant les clichés double l’impression générale.


Thomas Roman
( Mis en ligne le 09/04/2007 )
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